NULLE PART, SINON ÉCRIRE © 2008
L’écriture naît d’un lieu quitté. Le projet n’est pas de dire l’origine mais de la traverser, d’en interroger la perte, la violence, la survivance. Contre les récits de fondation, ce qui s’impose, ce sont des maisons instables, des architectures affectives promises à la disparition. La maison devient figure : de l’enfance, de la mère, du couple, du souvenir — mais aussi du silence, de la destruction, de ce que l’on vend, brise ou abandonne. Écrire, ce n’est pas reconstruire, c’est circuler dans les décombres : arêtes vives du marbre, ombre métallique de la guillotine, contraste des matières, heurts du dedans et du dehors. Poétique du passage, non pas pour dire "je suis ici" ou "j’ai été là", mais "j’écris pour chercher où être". Le texte devient alors le seul espace habitable — non pour se fixer, mais pour témoigner d’une instabilité fondamentale. Dire chez soi, c’est peut-être cela : reconnaître que chez soi n’est nulle part, sinon dans l’écriture qui tâtonne.
THÉORIE DU REGARD IDIOT © 2015
"Écrire en Moi-naturel. Tels écrivent en Moi-dièse." C’est du Paul Valéry. "Étrange folie de communiquer — communiquer sa maladie ! — son opinion — communiquer la vie." J’ai bien une petite idée sur ce que serait ma Défense et Illustration de la Poësie, sous-titre : Théorie du regard idiot — mais à quoi bon. — Je dirais volontiers, comme un traducteur expéditif du Manuel d’Épictète : "N’attends ici autre prologue que le titre du livre."
Le naturel et le dièse,
— les modulations de la voix,
le blotissement au creux de la réalité,
la pointe aiguë de l'instant
— mais la fuite dans l’imaginaire,
la folie de tout cela
— son nécessaire agencement.
"Omnia pulchra et iusta sunt.
Sed subito venit mulus-litteratura."
MANIFESTE DE LA MULITTÉRATURE © 2023
- La m u l i t t é r a t u r e est un mouvement littéraire qui embrasse la muabilité de la littérature et l'associe à la fougue de la mule.
- Elle rejette les conventions littéraires et embrasse la créativité dans toutes ses formes, incluant les jeux de mots les plus surréalistes et les associations les plus improbables.
- La m u l i t t é r a t u r e célèbre l'expérimentation et l'innovation, encourageant les auteurs à explorer de nouvelles formes de narration, d'expression et d'interaction avec les lecteurs.
- Elle puise son inspiration dans les expériences de la vie quotidienne, la nature, la mythologie, l'histoire et la science, les mélangeant avec les mondes imaginaires les plus fous.
- La m u l i t t é r a t u r e aspire à un monde où les frontières entre la réalité et la fiction sont floues, où les mots sont des formes vivantes et où les mules gambadent dans les champs de la créativité littéraire.
GRAMMAIRE DU TROUBLE © 2025
La poésie aujourd’hui n’est plus ni refuge ni élévation. Elle est surface de collision, terrain instable, lieu d’hybridation généralisée où s’entrechoquent les restes d’un langage saturé, les corps codés, les affects algorithmiques et les vieux débris lyriques. La langue poétique n’a pas à restaurer un ordre, mais à faire résonner les fractures. Elle est tendue entre le trivial et le concept, entre la pulsion et l’artifice, entre la citation et l’invention. Les émotions contemporaines, connectées, filtrées, interrompues, méritent une grammaire neuve, poreuse, capable d’absorber la vitesse, l’ironie, la honte et le désir. Dans un monde saturé de récits, la poésie ne raconte pas, elle déconstruit les postures, désidentifie les voix. Elle est un théâtre instable du devenir. Les identités y circulent, se contaminent, s’effacent. Il ne s’agit pas de dire l’être mais d’éprouver le passage : des corps dans les corps, des langages dans les langages, des mondes dans les plis du style. Quand elle accepte d’être rageuse, baroque, queer et intelligemment artificielle, la poésie devient radiographie de l’époque autant que fabrique d’un dehors possible. Elle est mascarade critique, carnaval lucide, espace d’indiscipline et de survie. Elle ne promet rien. Elle expose. Elle interroge. Elle persiste.
© pierre courcelle 2008-2025