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  • Whore

    "Pas beaucoup de plaisir dans ma vie. Peu d’estime de moi. Pas de croyance dans le fait que cette vie vaut d’être vécue avec énergie et volonté, juste avec grâce, avec une touche d’ivresse, mais pour finalement servir à quoi?

    Je me réfugie dans le pseudo-désir que j’inspire. C’est stupide, ça ne résout rien, ça me donne juste une raison d'exister. Ce n’est pas avec cette absence majeure de construction que je vais poser un regard heureux sur ma vie dans quelques années. Mais comment juger l’intérêt d’une vie ?

    Est-ce au nombre de fois où on a dit je t’aime?

    Est-ce au nombre de regards envieux qui se sont posés sur ton corps?

    Est-ce au nombre de réussites dont on se sent fier, même si c’est finalement à tort, par usurpation?

    Quelqu’un a-t-il une vie de rechange? La mienne est vide, faut que j'en trouve une nouvelle."

    Source: http://whore.20six.fr/

  • Nous allons en avant à vau-l'eau

    "N'estant bourgeois d'aucune ville, je suis bien aise de l'estre de la plus noble qui fut et qui sera onques. Si les autres se regardoient attentivement, comme je fay, ils se trouveroient comme je fay, pleins d'inanité et de fadaise: De m'en deffaire, je ne puis, sans me deffaire moy-mesmes. Nous en sommes tous confits, tant les uns que les autres. Mais ceux qui le sentent, en ont un peu meilleur compte: encore ne sçay-je.

    Ceste opinion et usance commune, de regarder ailleurs qu'à nous, a bien pourveu à nostre affaire. C'est un object plein de mescontentement. Nous n'y voyons que misere et vanité. Pour ne nous desconforter, nature a rejetté bien à propos, l'action de nostre veuë, au dehors: Nous allons en avant à vau l'eau, mais de rebrousser vers nous, nostre course, c'est un mouvement penible: la mer se brouïlle et s'empesche ainsi, quand elle est repoussée à soy. Regardez, dict chacun, les branles du ciel: regardez au public: à la querelle de cestuy-là: au pouls d'un tel: au testament de cet autre: somme regardez tousjours haut ou bas, ou à costé, ou devant, ou derriere vous. C'estoit un commandement paradoxe, que nous faisoit anciennement ce Dieu à Delphes: Regardez dans vous, recognoissez vous, tenez vous à vous: Vostre esprit, et vostre volonté, qui se consomme ailleurs, ramenez là en soy: vous vous escoulez, vous vous respandez: appilez vous, soustenez vous: on vous trahit, on vous dissipe, on vous desrobe à vous. Voy tu pas, que ce monde tient toutes ses veuës contraintes au dedans, et ses yeux ouverts à se contempler soy-mesme? C'est tousjours vanité pour toy, dedans et dehors: mais elle est moins vanité, quand elle est moins estendue. Sauf toy, ô homme, disoit ce Dieu, chasque chose s'estudie la premiere, et a selon son besoin, des limites à ses travaux et desirs. Il n'en est une seule si vuide et necessiteuse que toy, qui embrasses l'univers: Tu és le scrutateur sans cognoissance: le magistrat sans jurisdiction: et apres tout, le badin de la farce."

    Montaigne, Les Essais, "De la vanité"

  • Suite d'amour : l'affection, pointure, et accointance, baiser, toucher, le fait, le repentance

    En beau regard, en face de lyesse,
    Sur cest autel est Venus la Déesse.
    Auec son filz Cupidon, l'Enfant beau.
    Portant son Arc, ses Traictz, & son flambeau.
    A ses piedz sont deux colombz, non volans,
    Mais bec à bec s'entrebaiser voulans.
    Et derriere elle, est vn gemissant Cygne.
    Qui de sa mort prochaine faict le signe.
    De lvxvre est ceste Image euidente.
    Qui brusle au feu d'affection ardente.
    Et poingt le cueur. Puys au corps approchant,
    Cerche à baiser, main, & bouche touchant.
    Et quand en ieu* les baisers sont venuz:
    Apres se faict l'office de Venus.
    Puys en dernier s'ensuyct vn repentir
    En gemissant, par Mort plus pressentir.
    Images Donc sur ces autelz sacrez,
    Monstrent d'Amours les mysteres secretz.
    L'affection, Poincture, & Accointance.
    Baiser, Toucher, le Faict, la Repentance.

    Barthélémy Aneau, Imagination poétique (1552)

    * Sans doute feu et non jeu.

    Je feuillette les emblèmes de Barthélémy Aneau, que j'ai lus à la fac. Je retrouve, sur la page de titre, la référence à Horace: "La Poësie est comme la pincture", et il me faut un certain temps pour faire le lien avec le titre malin d'Imagination poétique, la poésie faiseuse d'images.

    Je suis arrivé là parce que je cherchais le texte intégral des Essais en mode texte sur internet. Ca permet de faire des recherches d'occurrences. J'ai trouvé des fac-similés, et me suis attardé sur le chapitre "Des livres" dans l'édition de 1580. "Je n'ai point d'autre sergent de bande a ranger mes pieces que la fortune."