N’ayant pas d'avis sur le présent, décidé cependant à traverser ce présent sans époque (selon l'expression de l'indispensable Bernard Stiegler), renonçant au biberon de l’information et à l’écume des opinions, à chaque jour son lot de lectures et de petites secousses mentales. Michaux en vertu de "l’effroyable fraiseuse de ta présence", Baudelaire puisqu’"il faut être toujours ivre", Char dans l’espoir d’un "psychagogue", et Apollinaire pour "1909", dont il fallait bien faire un "2020" en guise d’exercitation non genrable.
2020
Il ou elle avait un jean de coton délavé
Selon la coupe de l’époque faisant la taille
Haute artificiellement
De larges trous auréolés de fils mal coupés
Béaient à la froidure de l’automne
Souriant à la rue jonchée
De genoux nus
Un vague t-shirt aux bleus et roses passés
Affichant un slogan américain
enveloppait ce torse menu
Le visage seul rayonnait de ses yeux animés
Les lèvres dissimulées sous un masque chirurgical
D’un bleu hospitalier
Ne vois-tu rien venir
Le garçon ou la fille au jean de coton troué
Promenait son image sur les réseaux
Et souriait à l’autre bout du monde
Par le charme inquiet d’un filtre trop flatteur
J’aimais l’anonymat des foules et leur diversité bizarre
Le monde y déversait sa fantaisie poudreuse et sa folie furieuse
La fleur de la jeunesse et le vague-à-l’âge
L’angoisse de ce siècle et l’à-quoi-bon du précédent
Se frôlaient sans se voir dans l’écume du présent