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cahors

  • Où dormir

    Devant moi sous les arches le chien s’appelle Vanille. C’est sa maîtresse qui me l’apprend, l’appelant dans mon dos. Pour éviter l’unique boulevard dans cette ville méandreuse, j’emprunte volontiers les voies parallèles à cause de leur solitude : la rue Fondue-Basse puis la rue Fondue-Haute, ou la rue du Château du Roi. Le soleil y pénètre rarement et ne rencontre dans la saison froide que le dernier étage des bâtisses bancales. Je me représente la froideur et les siècles de ces étages dont les plafonds mesurent deux ou trois hauteurs d’homme. Comment vit-on derrière de si vieux murs, si hauts et si austères ? Les murs de ma maison, dans ma rue papale, sont plus modestes. Tout y est plus bas. Les pièces en enfilade au rez-de-chaussée et à l’étage sont étroites comme de larges couloirs, les murs épais penchent vers l’intérieur, les fenêtres ne connaissent que le Nord d’où je viens.

    cahors

    Le soir venu, j’hésite à m’allonger dans le salon sur le matelas qui borde la bibliothèque, ou dans ma chambre qui le surplombe, froide et vide, mais chambre à usage de chambre, où ne me divertit et ne m’endort qu’une voix docte sur mon téléphone.

  • Correspondance II

    cahors

     

    Comme j’approchais de sa rive
    la maison de l’eau perdit son irréalité
    ne se reflétant plus dans la rivière

     

    et lui tournant le dos je fis des images
    et encore des images car la lumière
    dorait outrageusement le matin

     

    plus loin un champignon géant
    sculptait une souche noueuse
    devant l’insondable liquide

  • Correspondance I

    À soi-même

     

    Au dos d’une carte postale j’écris que
    j’ai d’innombrables voisins
    dans le cimetière voisin
    et des crucifix métalliques
    des fleurs de pierre
    avec de fausses couleurs
    des ifs abîmés
    et d’absurdes palmiers

     

    — puis en guise d’adresse
    je dessine un cœur très rouge
    — car ma ville a nom Cœur* 
    et que j’ai cœur de Pierre —
    et note verticalement

    30
    rue
    du
    Pape
    Jean
    XXII

    comme Apollinaire disait
    l’Européen le plus moderne
    c’est vous Pape Pie X

     

    postcard_201127.png

     

    * Cahors / Caur en occitan

  • Cahors Mundi

    Une femme marche devant moi, son parapluie orange comme une vieille édition anglaise au pingouin, On The Road, la Beat Generation sur un boulevard, l’unique boulevard.

    Je demande à la brocanteuse si c’est de la faïence de Moustier ou de Montauban. Elle hésite, m’assure finalement que c’est du Martres. Elle me fait un prix, m’avoue que le regard du premier ministre lui fait peur, elle redoute les prochaines mesures.

    Comme je remonte le boulevard, un homme dit qu’il a réservé des billets d’avion pour Noël, pas certain cependant de pouvoir partir, mais assuré d’être remboursé en cas d’empêchement.

    La coiffeuse sort de son salon et me reproche de me garer là, d’y laisser trop longtemps ma voiture, trop souvent, je prends la place de ses clients. Je réponds que je comprends mais que je ne pouvais pas deviner le problème, la place n’étant pas officiellement réservée à la clientèle, c’est une place comme les autres, le long du trottoir. Elle me parle de savoir-vivre et de respect : je devrais bouger ma voiture tous les jours. Je ne suis pas entré dans un salon de coiffure depuis trois ans je crois.

    Sur une vieille porte, à la tombée de la nuit, un bouquet de roses desséchées, une carte avec le nom du professeur décapité, en sa mémoire, pour Samuel, lâchement assassiné.

    Au journal, une femme explique qu’elle lave sa vaisselle à l’eau de javel. Je remarque chaque jour de nouveaux insectes dans ma cuisine : un moucheron, une araignée, une minuscule limace. Je laisse les araignées tranquilles quand elles ne sont pas trop grosses, mais je me suis débarrassé d’un mille-pattes répugnant. Je lave le sol à l’eau.

    Je verse le café dans mon mug orange, PENGUIN BOOKS, Aldous Huxley, BRAVE NEW WORLD, A Novel.

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