Certains voisinages sont hasardeux. Par exemple, cette poire et ces aulx font-ils bon ménage? Dans le doute, je préfère maintenir entre eux une distance raisonnable. J'ai enroulé les stores, le soleil envahit la cuisine. Je travaille, je mange, j'inhale des vapeurs de barbe à papa, j'observe le progrès des ombres projetées sur les surfaces blanches.
J'ai rencontré un infirmier, nous sommes voisins, trois-cent cinquante mètres. Nous nous sommes vus hier soir, par hasard. Il est infirmier et aussi président d'une association humanitaire, j'ai dit qu'il devait être quelqu'un de bien. Sa barbe était un peu trop longue, douce cependant. Il devait dormir, il commencerait à cinq heures ce dimanche à l'hôpital.
J'ai commencé à apprendre le texte, une parenthèse dans la fin d'après-midi, debout dans le salon, au pupitre, à voix haute, en cherchant le phrasé de B. Je n'utilise pas encore le crayon, le texte restera vierge pendant le temps de l'apprentissage par cœur, je préfère. En répétant le premier paragraphe, j'imagine Berlin, je n'y suis jamais allé, ne la connais que par le truchement de la télévision et de l'art, et par le souvenir de quelques témoignages d'amis qui y séjournent de manière intermittente. Avant cela, j'écoutais Alain Françon, à la radio, parlant de la direction d'acteur. Il n'aime pas le mot directeur, préfère dire qu'il accompagne les acteurs. Il évite absolument toute forme d'approche psychologique des textes.
Je lis un article d'Achille Mbembe dans Le Monde. Cela fait du bien. Il dit que l'identité n'est pas essentielle, que nous sommes tous des passants, que la réalité d’une communauté objective de destin devrait l’emporter sur le culte de la différence. Limiter ce qu'il appelle la financiarisation de l'existence et faire échec aux formes nouvelles de la guerre. Propos d'un philosophe camerounais, cela fait du bien.