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Tourbillon

Jeudi, j’appelle A., on parle du week-end, elle me propose de venir chercher Clélie à Paris dimanche soir, changement de programme, je ne sais plus pourquoi elle me parle des Barbies, j’écoute, Barbie mariée, ce qu’elle veut, c’est que sa mère se remarie avec son père, il est vingt heures, je parcours l’avenue Parmentier dans un sens puis dans l’autre, j’essaie de me repérer en vain, je n’ai pas pris mon plan, Clélie prend le téléphone, me dit « Papa t’es tout mimi », je réponds « c’est toi », elle me repasse sa mère, on parle de Noël, je ne comprends rien à l’alternance des week-ends décidément, ou c’est elle, Yves-Noël dit la complexité c’est ce qui est fermé administratif ministériel démocratique, communication interrompue, je rappelle, échec réseau, je finis par trouver la bonne perpendiculaire, Christophe est là, devant la Ménagerie de Verre, il me dit « tu n’as pas pris de sac ».

Self & Others, François suce des jambes de Barbies, les siennes aussi lisses que les leurs, entre ses pieds une bougie allumée qu’il élève lentement, Self & Others, il y a trois ans, sur mon premier blog, j’avais créé une catégorie Fictions biographiques, moi et les autres, quelqu’un récite des passages de L’Ecclésiaste au début du spectacle, j’ai ramené ma Bible ce soir, restée chez mon père depuis deux ans, je l’ouvre et c’est la page du Qohéleth, vanité des vanités, dit Qohéleth, vanité des vanités, tout est vanité. Quel profit y a-t-il pour l’homme de tout le travail qu’il fait sous le soleil ? Un âge s’en va, un autre vient, et la terre subsiste toujours.

François me dit qu’il s'endort traîne sèche ses larmes apaise son corps ramasse les éclats se donne du courage pense à demain aux autres jours, et moi j’ai délibéré en mon cœur de traîner ma chair dans le vin. (On parle avec une inconnue des secrets qu’il faut un jour révéler à ses enfants, elle a une fille elle aussi, elle nous livre son secret, elle a tué le père de sa fille, il pleut, il fait froid, on boit, elle dit qu’elle a trop bu, elle boit du Champagne, elle dit qu’elle n’arrive pas à coucher avec sa meilleure amie.)

Un pirate m’entreprend, il s’appelle José, je le vois enlacé avec Yves-Noël, il prend mon verre, je le reprends, il sourit, j’ai les pieds gelés, je pense à la route, conduire jusqu’à Valenciennes, arriver sain et sauf et m’échouer chez mon père, je déplie le canapé, Clélie s’installe entre mes cuisses pour regarder un dessin animé, une coccinelle qui nargue des mouches, une araignée dépassée par les événements, père et frère de part et d’autre du canapé, commentant l’action, et moi assommé, le bruit, mon père me donne un oreiller, je me tourne vers toutes les œuvres qu’ont faites mes mains et vers ce que j’ai eu tant de mal à faire, vanité, poursuite de vent.

« C’est pas bientôt fini cette porcherie ? » (Il crie, le répète plusieurs fois, il pleut, il fait froid, la musique est bonne, on voit les corps tassés, Rosa Bonheur pleine à craquer, la buée sur les vitres, les boissons servies dans des gobelets en plastique, « ce qu’il faudrait c’est une tour Eiffel au milieu du parc ».)

« Pour vivre cachés vivons heureux », je n’ai jamais vu de psy moi, je ne sais pas ce que disent les psys (on est arrivés au parc avec deux jeunes filles qui ont pris le RER avec nous, on ne les a plus revues).

Avec Yves-Noël on se dit au revoir sans mots, on se serre très fort. (Il y a dans Têtu ce drôle d’article sur le bonheur, il y a un moment dans la pièce où Bénédicte lit le journal aussi, elle dit les femmes sont hystériques les hommes sont obsessionnels, Cecilia me demande avec son accent argentin si je suis obsédé moi aussi, je ne comprends pas, je dis oui, elle me dit obsédé par quelqu’un, par une seule personne, alors je dis non.) Malheur à celui qui est seul ! S’il tombe, il n’a pas de second pour le relever.

J’installais l’imprimante chez mon père, je lui expliquais comment on scanne un document, je faisais un essai avec une carte postale, puis avec un dessin que Clélie m’apportait, je l’ouvrais avec mon logiciel de retouche, je modifiais les contrastes, j’appliquais l’effet tourbillon et le dessin devenait spirale de couleurs, puis l’effet torsion et le dessin se déformait comme les poèmes manuscrits dont je faisais danser les vers quand j’étais obsédé par Renato :

Je ne sais plus pourquoi, je parlais de Louise Labé à Yves-Noël, je vis je meurs, je me brûle et me noie, je ne me souvenais pas des autres vers, pourquoi je parlais de ça dans le froid de décembre, je retrouve le sonnet sur la toile, vanité, une photographie de Cindy Crawford nue pour illustrer quoi, les tensions de l'état amoureux, l'instabilité, le chaud et le froid, le rire et les larmes.

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