Je remontais la rue de Rivoli à la recherche d'habits neufs, en sortant du BHV un mec m'interpellait, il me prenait en photo, moi et mes habits, il disait c'est pour un blog de mode, je lui expliquais ma mode n'est pas toute fraîche vous savez, à part mon écharpe, il concluait ce sera bientôt en ligne sur L'Habit fait le Dandy, je pensais à Renato puis à Baudelaire, et je trouvais des habits neufs dans une boutique du Marais, un manteau gris et un sarouel (je laissais une chemise noire à pois bleus).
Je prenais un Starbucks, un venti moka blanc s'il-vous-plait, Fabrizio disait qu'on se rejoindrait aux Halles, alors j'avançais et je me brûlais la langue, à la Fontaine des Innocents une voix de femme hurlante lamentait la guerre d'Orient, les nouvelles du monde sur la place publique, l'affiche disait résistance et la voix hurlante étranglait les mots de douleur, chacun est responsable de ce qu'il veut voir ou ne pas voir, elle disait antenne deux vous ment, les images ne mentent pas, regardez les images (j'avais bien entendu aussi on va brûler les Juifs).
Aux Halles on faisait la queue et c'était cher, il y avait cette histoire de deux amants qui habitent dans le même immeuble, séparés par une cour intérieure, et l'amour qui se dit à la fenêtre par silhouettes entrevues et blonds cheveux d'une princesse triste et lâche, les couples mystérieux qui se font et se défont, les petites horreurs de la vie qui passe et les ennuis entre quatre murs, les amants mariés et les mères dévorantes.
Les nôtres ne sont plus là alors on se débrouille avec les pères, Fabrizio rentré d'Italie, les déceptions de Noël, les amours comme elles vont, les perspectives d'avenir, c'était dans un kebab et il faisait bien froid. (Pendant ce temps Renato révisait le quatrième pouvoir, Yves-Noël dansait à Laumière, Estelle regardait peut-être la télé impasse de l'Astrolabe, etc.)