Un homme est la plupart du temps si différent d'un autre homme que l'expression "mon semblable" n'est compréhensible que par ce que l'éducation nous donne pour argent comptant et que nous acceptons comme une convenance somme toute bizarre.

Si vous voulez bien concéder vingt sous, vous n'aurez que l'embarras des peaux, des complexions, des souffles, des goûts et des usages de tous les pays du monde. Il faut sentir un homme par tous les sens et se donner à son instinct et à sa volonté.

Je cherche mon Seigneur et mon Seigneur ne m'a pas encore trouvé. Je sais sa peau noire et sa voix grave. Il n'est pas mon semblable mais mon frère lointain d'humanité. Nos ancêtres avaient même sang et même horizon.

Aujourd'hui, c'est la grisaille des villes et la foison des écrans qui ordonnent l'intérêt commun et le commun désir du commerce des hommes. Ces pauvres distractions nous occupent en dépit de nos rêves. Les abeilles en leur ruche ne consument pas moins opiniâtrement leur existence.

On dit que la disparition des abeilles nous rendra faméliques et inféconds. On devise beaucoup sur la fin de l'humanité, et l'on n'avait jamais si précisément deviné d'où l'on vient.

On, homme. Même mot et agencement infini des matières et des flux.

Fut-ce le premier mot : homme-amour, homme-danger, homme-de-rien.

Et au fond d'où vient-on vraiment. Que veut-on. Que deviendra-t-on.