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Simplicité et complexité de la vie et de la mort

J’ai tout rangé dans le coffre de la voiture, puis mon clavier en travers de la banquette arrière. Je démarre, m’arrête au bout de quelques mètres, baisse la vitre passager pour discuter avec mon voisin. Je fais le plein de carburant. Le client de la pompe voisine interpelle la cliente de la pompe voisine : "C’est interdit de téléphoner dans les stations-essence !" Elle fait des gestes mais ne lâche pas son smartphone. Il rentre dans sa voiture, s’apprête à démarrer, quelques secondes, il regarde droit devant lui mais ne démarre pas, ressort, se dirige vers la rebelle et lui montre l’affichage où je suppose que l’interdiction est formulée noir sur blanc. Il part enfin. Pas mieux que ce couple qui, la veille, devisait au sujet d’un homme qui les avait interpellés sur le boulevard : "Nous aussi on a besoin d’argent, c’est pas pour ça qu’on fait la manche." — La surveillance dans le quotidien et la morale de boulevard décomplexés par la pandémie.

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Mes cheveux rabattus sur le front, des lunettes noires, un masque noir : mon visage noir. J’ai déjeuné avec ma fille sur les marches de la cathédrale. Je lui explique que c’est ici que j’ai assisté à la cérémonie des cinquante ans d’épiscopat de mon grand-oncle qui fut missionnaire en Haute-Volta. Ma fille, ce n’est pas seulement son premier welsh à emporter, mais son premier welsh. Il fait froid et le soleil est intense. On fait les magasins, peu de magasins parce que c’est très long, attendre devant l’entrée, attendre aux cabines d’essayage. On déambule dans une boutique avec un carton, le numéro 1 pour moi, le 7 pour elle. On ne sait pas à quoi ça sert. On rend le carton en sortant.

Arthur Dreyfus a publié ce que sans doute beaucoup d’hommes ont projeté sans l’opiniâtreté nécessaire pour mener à bien une telle entreprise : le journal de cinq années de plans cul, un peu plus de deux mille trois cents pages. L’entretien radiophonique avec Laure Adler était beau. La voix et l’émotion étaient belles. J’ai soupesé le volume dans une librairie lilloise, feuilleté, lu quelques phrases, compris le protocole (mon garçon, tu m’écris, déjà tu es dans mon livre, capturé, tes mots seront publiés et lus par Laure Adler), me suis demandé si l’éditeur était intervenu ou si l’auteur avait eu carte blanche. L’entretien se terminait par un éloge de la poésie, qui me ramenait à ma liste de citations sur la poésie, mon obsession du moment car il faut que je dise ce drôle de texte dans le spectacle que je vais bientôt jouer. "Quand on n’est pas capable de donner du courage, on doit se taire, Franz Kafka, page 11." J’ai reposé le pavé. Je l’aurais sans doute acheté si la couverture avait été intacte. C’était le seul exemplaire sur la table. Au rayon poésie, j’ai feuilleté un recueil de Richard Brautigan à cause de ce titre : Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus. Ma fille m’a rejoint. "Je ne sais pas si je l’achète ici… Je vais plutôt le commander chez ma libraire… Je n’en ai pas besoin tout de suite." Je photographie une page.

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