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  • Café crème

    "Arrête de me regarder, sale pute de l’enfer", dit un homme sur le boulevard. Derrière une vitrine, une femme range des babioles, un œil sur l’homme qui continue de ruminer. Elle est jeune, noire de peau. — L’enfer, c’est cet homme bien sûr.

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    J’ai trouvé un endroit pour écrire sans avoir l’air de prendre la pose. C’est un café, Le Café Crème. J’y commande invariablement un café crème et un croissant. Tout y est vieillot, défraîchi, sans même les petites joies vintage qui agrémentent le goût du jour. (En anglais, par les haut-parleurs du boulevard : "La Ville de Cahors vous rappelle que le port du masque est obligatoire sur le marché du mercredi et du samedi.") Même l’aimable patron est à la retraite, comme je l’ai appris un jour que des vieux clients le chambraient. La plupart du temps, je suis seul sur la terrasse ombragée, sous les austères fenêtres IIIème République de mon lycée qui porte le nom de Clément Marot. Comment regardes-tu ? — Au ras du sol, des peaux, des voix, du soleil perçant dans une feuille d’ortie. — En somme, tu blasonnes. — Ce serait le regard de mon chat convoitant les lacets de ma chaussure, ou celui d’un moustique louchant sur sa trompe. Mais la différence avec Marot, c’est que je pense aux photons, à la photosynthèse, aux orties géantes d’Asie qui vous tuent. Que le chaos des origines dans les rêveries ovidiennes et l’ordre de la création dans le dogme chrétien sont pour moi entropie et néguentropie : des mots difficiles à verser dans un poème — mais des convictions apaisantes. L’ancienne Fureur poëtique n’est que retrait des affaires du temps, gratuité du stylo et, disons, scriptosynthèse.

    — Le babil des hommes est une prairie sans rosée.

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    Il y a des bords de rivière comme des lumières de sous-bois, les feuilles des arbres ont une découpe de feu, le temps passe à la vitesse d’une barque fainéante.

    Ce sont plutôt des hommes 
    sur les bancs de vingt-et-une heures 
     méditant face à la rivière 
    dans la zone de carte postale un peu défraîchie 
    où je me promène au motif 
    de mon appareil photographique
    et de la révision de ma voiture.

    L’ancienne gare a l’air d’avoir été peinte en bleu du ciel, le pont médiéval se reflète dans les vitres opaques d’une façade sans âme, et les terrasses sans serveurs s’ennuient au soleil rasant.

    Un calendrier 1999-2000 bouche la brisure d’une vitrine : j’y lis le printemps de mes vingt-quatre ans, les préparatifs de mon mariage, et l’âge de ma mère qui sera le mien bientôt.

    Je me suis réfugié dans les années cinquante, le tapissier est parti avec mes vieux fauteuils, j’ai assorti mon chaton à mon tapis — nous en avons pour vingt ans !

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