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  • Gradiva

     

    Ce sont des pieds et il n’y a que des pieds
    quand le cinéma recrée la vie de la tête aux pieds
    là vous ne voyez que des pieds
    dans un film tourné à hauteur de pied
    sur un autre continent où vous n’irez jamais
    alors vous regardez le souvenir de ces pieds-là
    comme on garde un souvenir 
    car vous voyez les pieds
    comme une cinéaste par toquade les filma
    jadis dans les années soixante-dix

     

    Mais vous vous souvenez d’autres pieds
    conservés depuis des périodes géologiques
    où personne ne songeait à nommer les périodes géologiques
    des empreintes de pieds dans une terre fossilisée
    et l’on restitue méthodiquement le mouvement d’un groupe
    se déplaçant d’un point à un autre
    évanouis l’un comme l’autre point dans les frasques de la matière
    hommes femmes et enfants courant pour une raison à jamais enfouie
    ayant couru quelques secondes de vie 
    révélées par un insoucieux hasard

     

    Je gage que les pieds filmés dans les années soixante-dix
    universellement visibles depuis dix ans sur vos ordinateurs
    regardés en moyenne dix fois par jour j’ai compté
    disons deux fois en France deux au Mexique deux aux États-Unis d’Amérique
    et pour les quatre autres comme vous voudrez
    auront disparu des écrans disparus
    quand la terre conservera encore aveuglément
    des empreintes de pieds
    auxquelles nul archéologue
    ne rêvera plus

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    Le torchon décore toutes mes cuisines
    Toutes mes vies là où j’arrive par hasard
    N’a jamais essuyé aucun verre aucune faïence
    En essuyant mes souvenirs mes tracas mes tragédies

     

    Simulacre de torchon miniaturisé sur carte postale
    De ces souvenirs à un euro à la sortie d’une expo
    Torchon brodé d’une main qui sait l’art de broder
    condense l’expérience en formules pompeuses dérisoires

     

    Il dit ceci au féminin que je suis allée en enfer
    En suis revenue et je peux vous dire je traduis
    Que c’était merveilleux car c’est brodé
    Malicieusement en américain

     

    Je l’ai découpé à l’époque puis recouvert d’un plastique
    Et là cachant un trou disgracieux près de la fenêtre
    Il me rappelle des siècles de littérature
    Qu'un sourire centenaire dénoue

     

    Bientôt je l’encartonnerai pour aller vivre ailleurs
    Pas si loin mais plus haut plus près du ciel et de l’eau
    La brodeuse qui le broda continuant de penser
    À moi qui pense à elle comme si

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    La brûlerie du marché vous y trouvez le meilleur café 
    Aujourd’hui c’est un mélange de trois cafés d’Éthiopie
    Il paraît qu’il est à peine amer je le confirme à moi-même
    Ce dimanche sans heure où les cristaux liquides 
    Liquident ma volonté mon désir mes doigts ma bouche
    Comme les gouttelettes sur le verre de la cafetière
    Ce n’est pas le ronronnement du chat tapi au fond
    De la machine à laver tout à l’heure et maintenant
    Plus conventionnellement dans son panier par terre
    Ni le bonhomme silhouette de fil de fer tordu jadis
    Par ma fille petite et là suspendu dans ma cuisine
    Ni l’assiette parlante d’époque en faïence de Nevers
    Avec sa Bastille et ses baïonnettes naïvement tracées
    Et son slogan sincère "vivre libre ou mourir" mais
    Rousseau était passé par là pas encore tout à fait digéré
    On voit ce que ça donne le samedi dans les manifs
    Il y a aussi tous ces aimants qui sont comme des lunes
    Multicolores glissant imperceptiblement à l’échelle
    D’une semaine humaine mais inexorablement ils glissent
    Sur le métal de la machine à laver quand roule le tambour 
    Et se noient mes chaussettes de la semaine écoulée délavée
    et lunes de choir fatalement achevées par les griffes du chat
    Sur le carreau comme l’expansion de l’u n  i   v    e     r      s 
    Sur le carrelage répandue et la main de Dieu recomposant
    Tout ça comme un jeu d’enfant ou une hypothèse aussi
    Éphémère que le 0 liquide de l’horloge avant qu’il passe au 1
    Le lémurien avant l’humain et la roche avant l’anguille
    Quant aux jeux d’adultes ils ne m’amusent guère
    Point d’éclats multicolores mais une lune amère

     

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    C’est tout à la fois illusion fiction fuite vertige impasse et soupape
    L’évitement et le rentre-dedans ne font pas bon ménage je constate
    Ce qu’il en reste c’est qu’il ne reste rien qu’un désert sentimental
    Et encore maladroitement je métaphorise par respect pour l’écho
    Ou seulement par atavisme et adoration des fleurs de cimetière
    L’absurdité de la situation car ce n’est pas que moi moi moi
    A broyé les lumières des philosophes et des philosophesses c’est dire
    Que reste-t-il de nos rendez-vous du vendredi du samedi et du dimanche
    Et du téléphone le téléphone du soir et la distribution des balles
    Qu’en reste-t-il rien à l’horizon de mes cinquante ans tout à l’heure
    Alors je siffle je ris je noie je bouille je rase je verdoie j’en chie
    J’ai flouté tous tes textes mais pas eu le courage des fichiers images
    Flouté quand je dis flouté comprenez il en restera des souvenirs colères
    Pourtant les déclarations d’intention les miennes d’ailleurs je sais pas
    Les siennes les tiennes d’amitié alors soyons amis dans l’illusion
    De la possibilité d’être amis mais taisons-nous faisons une pause haha
    Longue pause d’oubli de recréation de bruits nouveaux de peau neuve
    Et qu’irai-je faire sur tes terres enterrées avec toi l’entêté haha
    En laissant pousser mes cheveux je me suis voilé la face voilà tout
    Je dis ça ou autre chose que je me suis tué le bras gauche à Pâques
    Fait piquer à la fesse en juillet balader en août embrasser en septembre
    Puis écouvillonner détartrer maintenant je ne bois plus de lait
    J’ai laissé le levain pourrir dans son pot et mon corps dans son lit