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    J’ai perdu une dent, ça a duré quelques jours.

    C’était devenu une affaire très grave — la seconde pente de la vie, celle qui descend. Je l’ai vue devenir grise et translucide. Il faudrait accuser le coup, ne plus chanter qu’intérieurement, serrer ce qu’il me resterait de dents.

    Et puis elle est revenue, et maintenant je pense que j’ai dépassé le stade de l’épuisement. Une sorte de régénération.

    C’était un enchaînement de cinq accords, rien que des bémols. Une mélodie est arrivée — bienvenue.

    Les feuilles de salade, pas tout à fait fraîches, pas grave. Un gâteau parfumé au citron, tacheté de morceaux de pomme brunis à la poêle.

    Tout cela était bien fatigant — comprenez-vous.

  • Don

    susan meiselas

    Ma photo, malgré ses dehors assez austères, me plaît beaucoup. Une des raisons qui me la font aimer, c'est qu'elle tranche radicalement avec la façon dont la moitié des gens me perçoivent au jour le jour. Après avoir été poussé par ma famille, mes amis et mon entourage vers une bonne université, un diplôme de valeur et quatre années gâchées, je me retrouve à dire non pas "J'ai fait une erreur", mais plutôt "Je regrette de ne pas avoir davantage réfléchi par moi-même". Dans l'immédiat, je suis bien obligé d'utiliser le diplôme qui a creusé ma dette pour la rembourser. Et comme j'ai évolué mentalement, je constate que le type de métier auquel j'ai eu tant de peine à me former ne m'intéresse plus. Je me retrouve donc à "porter un masque", à partir au travail le matin en n'oubliant pas d'actionner le commutateur schizophrène qui, de celui que je suis sur la photo, fait de moi un... roulement de tambour... super-consultant!! (à moins que ce soit un super-ingénieur?), peu importe d'ailleurs, puisqu'en fait je ne suis bon dans aucun des deux emplois. Mon entreprise a embauché mon diplôme et il se trouve que j'étais livré avec.

    Ce n'est que récemment que j'ai découvert que le même commutateur qui me sert à changer de personnalité m'autorise ou m'interdit l'accès à une denrée plus précieuse: l'aptitude à profiter de la vie et à en être conscient, car, en réalité, la seule façon de bien fonctionner au travail est d'avoir l'esprit clair et logique d'une machine pendant près de huit heures par jour avec, ici et là, quelques rares moments de liberté.

    Texte accompagnant le portrait photographique d'un certain Don par Susan Meiselas. C'est en 1971. La photographe a 23 ans. Son sujet est un voisin au 44 Irving Street. 

    susanmeiselas.com/early-years/44-irving-st/

    jeudepaume.org