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Terre-à-terre - Page 3

  • Quatrains du 19e

    On n’est que locataire, ou pis, colocataire ;
    On vit très peu chez soi, travaillant tout le jour
    Pour le bien de l’État. — La vie n’est qu’un séjour
    Où chaque nuit l’on fait un sinistre inventaire.

    Mon immeuble s’élève où s’élevaient jadis
    D’immenses abattoirs. Quant à moi, je refuse
    Toute viande animale, et ma langue confuse
    A perdu tout espoir, tout plaisir, et tout vice.

    Sur un carré de terre, on veut faire germer
    Quelques graines de fleurs semées à la volée ;
    Mais rien ne poussera en terre désolée
    Que cet art ancien qui consiste à rimer.

    Enfant, le potager de mon père me fut
    Un début, une fin, une encyclopédie.
    J’ai presque quarante ans — la moitié de ma vie ! —,
    Un jardinet stérile, et de sombres refus.

    J’en suis persuadé : mes voisins sont fêlés !
    — Car il suffit qu’à la fenêtre je me penche
    Pour contempler tout le désastre d’un dimanche :
    Cotons-tiges, mouchoirs, déchets amoncelés.

    Un jour que j’essayais d’arroser le néant
    De mon jardin désert, je vis à la fenêtre,
    Juste au-dessus de moi, la main d’un petit être
    Laissant choir un papier, à peine remuant.

    J'interrogeai l’enfant : « Pourquoi fais-tu cela ?
    N’as-tu point de respect pour celui qui habite
    En-dessous de chez toi ? » Je sens qu’elle médite
    Son prochain mauvais coup… alors, restons-en là.

    Avant de me coucher, de mon appartement
    Je fais le tour, vérifiant la fermeture
    Des portes de mon cœur. — Et ma littérature
    De rimes corsetée me remplit de tourment !