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yves-noël genod - Page 2

  • Le rêve de vol

    "La grande nuit, on lit des magazines. On a acheté des magazines. J’ai envoyé tout le monde au bourg. Il fait si froid, si gris. Quelqu’un a dit dans le village, Moi, j’ai connu la neige tous les mois de l’année. La neige, elle parle, elle mugit, elle vit. Elle roule autour de la caravane. Il faut passer le col. Le col enneigé. Il est tout seul dans la nuit. Il ne voit pas la route. Il y a des bâtons dans la neige pour voir la route (pour suivre la route effacée). C’est la nuit, c’est la pluie. La rivière qui était sèche (il a fait jusqu’à trente degrés) recueille l’écoulement de la pluie, comme une grande gouttière. Mais qu’est-ce qu’elle dit que je ne connais pas? Je ne peux pas écrire comme ça sans connaître. Est-ce que je peux dire là que je pense à Pierre? Oui, beaucoup. C’est dingue. Sais pas pourquoi. Je lui écris des choses que je me retiens de lui écrire. Que je pense à lui toujours, le soir, dans la caravane. Si nous étions ensemble, ça ne changerait rien. Comme nous ne sommes pas ensemble, ça ne change pas non plus. Pierre. Je me disais, Moi, je sais ce que c’est qu’un artiste, oh, non, ce n’est pas moi, moi, je sais ce que c’est. C’est Pierre. C’est le seul artiste que j’ai jamais rencontré. En un sens. Je le pense, oui. Je le sais. J’aimerais bien continuer Barbara avec lui. Parce que c’est ça, le fond de cette histoire, c’est de travailler avec lui, de le toucher, lui. Je pensais à lui aussi à Gennevilliers, à lui à la flûte. Oui, c’est le seul artiste que j’ai jamais rencontré – mais qui peut s’en rendre compte? Pas grand monde, non. Moi. Oui, moi.

    «Je t’aime toujours, chaton. J’aimais bien la parenthèse de ton amour dans ma vie.»

    C’est dommage que les homosexuels soient si attachés au sexe. Moi, je suis attaché à l’amour et au sommeil. J’aimerais bien qu’il vienne redormir à la maison. Mais il n’aura pas le temps. Travail et sexe – sont attachés les homosexuels. Moi, tout le reste. Ni le travail ni le sexe. Non: le mugissement du sommeil. Pierre est un artiste. Il dort bien."

    Le dispariteur

  • The biggest french pig ever

    "He is the biggest french pig ever, I can't believe it", on se retrouvait sur le quai, Kate et Felix épiloguaient sur l'incident, et plus loin Yves-Noël, Rémi, et cette dame, cette femme, je ne sais comment dire, qui accompagnait Rémi et qui ne m'avait pas été présentée, danseuse, écrivain je crois. Plus tard, dans le métro, Yves-Noël remarquait ses chaussettes dépareillées, l'une grise, l'autre rouille, et un homme assis à côté d'elle suivait la conversation, visiblement amusé. On avait parlé des chaussures de Kate aussi, Martin Margiela, cuir clair et souple, mais impossibles à décrire.

    Il y a toujours ce moment, dans la première partie, où Kate s'essuie les pieds d'un air dégoûté avant de chausser ses santiag, la culotte est tantôt rose tantôt impression léopard. Le moment où elle ramasse le soutien-gorge de Marlène et dit au public "c'est pas à moi" (rires). Et aussi: "c'est ma secrétaire, j'aimerais vous dire qu'elle est bien mais c'est pas vrai, c'est tellement dur de virer les gens en France".

    Il faut dire que Felix avait un ticket de métro mais qu'il ne l'avait pas utilisé, s'était faufilé derrière Kate comme un black du neuf trois vous demande s'il peut passer avec vous, et vous sentez un corps étranger derrière vous, mais là Kate ne s'était rendu compte de rien, et le contrôleur lui était tombé dessus, Felix, il a failli passer la nuit au poste, le billet de cinquante euros qu'avait fini par tendre Kate l'avait sauvé. "If I had been alone and not drunk, I would have run away", il aurait bondi comme il le fait dans le spectacle, le contrôleur n'aurait rien pu faire.

    Ce matin Yves-Noël disait qu'il faudrait encore lutter, les techniciens avaient mis des gélatines sur les Svoboda, question de sécurité, une ampoule avait éclaté mardi soir au cours de la deuxième partie, morceaux de verre répandus sur le plateau, mais avec les gélatines la lumière était moins dorée maintenant, c'était moins beau, alors il faudrait négocier.

  • Le chevalier désaffublé

    Vivre est assez bouleversant
    quoique médisent nos sceptiques
    De quoi demain sera-t-il fait
    ô plus on va plus on le sait
    car enfin le jeu perd sa mise
    et les dés meurent dans nos mains
    Porte de plus en plus étroite
    qu’il est maigre notre destin
    pour y trouver de quoi le fuir

    J’ai force suffisante en moi
    pour me lever chaque matin
    le dur est de s’acclimater
    à nouveau après cette halte
    en luminosité lunaire
    où le rêve tisse une toile
    que l’on déchire dans la rue

    Pas à pas ramendons filet
    de notre vie imaginaire

    Georges Perros, Une vie ordinaire

    (Et le Dispariteur, au galop, dit-il, je galope je galope mais je ne suis pas à la maison, merci chevalier Queue, il lit encore Perceval, donc, mais il écrit Queue au lieu de Keu. Plus tôt dans la matinée il écrivait: Et Queue parmi la sale vint, trestoz desafublez, et tint an sa main destre un bastonet, el chief un chapel de bonet, don li chevol estoient blont, n'ot plus bel chevalier el mont, et fu tresciez a une tresce, et non, il n'y avait, il n'y eut, dit-on en ancien français, il n'y eut pas de plus beau chevalier au monde, ses cheveux blonds, il avait sur la tête un chapeau, de quoi, de bonnet, je ne comprends pas, ou alors ce sont les poils du bonnet qui sont blonds, il tint dans la main droite un petit bâton, il fut tout désaffublé, et c'est le plus beau mot du texte, désaffublé.)

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