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raymonde carasco

  • Gradiva

     

    Ce sont des pieds et il n’y a que des pieds
    quand le cinéma recrée la vie de la tête aux pieds
    là vous ne voyez que des pieds
    dans un film tourné à hauteur de pied
    sur un autre continent où vous n’irez jamais
    alors vous regardez le souvenir de ces pieds-là
    comme on garde un souvenir 
    car vous voyez les pieds
    comme une cinéaste par toquade les filma
    jadis dans les années soixante-dix

     

    Mais vous vous souvenez d’autres pieds
    conservés depuis des périodes géologiques
    où personne ne songeait à nommer les périodes géologiques
    des empreintes de pieds dans une terre fossilisée
    et l’on restitue méthodiquement le mouvement d’un groupe
    se déplaçant d’un point à un autre
    évanouis l’un comme l’autre point dans les frasques de la matière
    hommes femmes et enfants courant pour une raison à jamais enfouie
    ayant couru quelques secondes de vie 
    révélées par un insoucieux hasard

     

    Je gage que les pieds filmés dans les années soixante-dix
    universellement visibles depuis dix ans sur vos ordinateurs
    regardés en moyenne dix fois par jour j’ai compté
    disons deux fois en France deux au Mexique deux aux États-Unis d’Amérique
    et pour les quatre autres comme vous voudrez
    auront disparu des écrans disparus
    quand la terre conservera encore aveuglément
    des empreintes de pieds
    auxquelles nul archéologue
    ne rêvera plus