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206 bleue

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Je suis arrivé au garage une demi-heure avant la fermeture. Je voulais laisser la voiture, je ne savais pas comment dire, j'ai parlé de la casse, ils appellent ça destruction. Ce ne fut pas possible, pas possible d'obtenir le certificat de non gage. La 206 bleue était gagée, on ne peut pas se débarrasser d'une voiture gagée. Il fallait que je l'emmène, il suffisait de lui donner un coup de boost, elle redémarrerait, elle redémarra. J'étais parti me garer à l'extérieur de l'enceinte. Je retrouverais ma 407 plus tard. Le mécanicien que j'avais croisé en sortant avait laissé la 206 devant l'entrée, porte ouverte, clé sur le contact, le moteur tournait, ça sentait la forêt, le volant était couvert d'auréoles vertes et grises, les siège d'imperceptibles moisissures. Elle avait pris l'eau pendant plusieurs mois, je n'osais les compter. Il y avait à peine deux kilomètres à parcourir, mais je savais qu'il ne fallait pas caler, rouler lentement de la rue Lénine jusqu'à la rue Pierre Brossolette.

La 206 reprit sa place, la place qui fut la sienne jusqu'en 2006, l'année où mon père me la céda, un an après le décès de ma mère. C'était sa voiture. Les premières semaines, j'avais laissé un diffuseur d'odeur diffuser une odeur artificielle, une sorte de parfum de voiture, ce qu'on imagine devoir être un parfum de voiture, sorte de parfum d'ambiance, ni parfum de maison ni parfum de linge de maison, ni huiles essentielles ni quoi que ce soit d'essentiel. Je me souviens, je crois me souvenir que c'était un vulgaire flacon de forme circulaire en plastique collé sur le plastique du tableau de bord. C'est elle qu'il l'y avait mis, il n'y avait qu'elle pour penser à cela. C'était encore sa voiture, c'était un peu son parfum, un parfum qu'elle avait choisi.

Je repartis à pied de chez mon père. Je n'avais pas traversé le village à pied depuis des années. Je pris une photo du château. Je l'avais photographié souvent, il y a longtemps, avec des appareils différents. L'enceinte en brique a été remplacée par un grillage quelconque. J'étais le seul marcheur. Il y avait beaucoup de voitures stationnées. Dans un village comme celui-là, on prend sa voiture pour un oui ou pour un non. Je jetai un œil à l'école, les deux salles de classe connues, souvenirs précis. Une femme sortait, elle ferma la grille rouge qui a remplacé la grille blanche de mes souvenirs.

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