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Le poète et la subordonnée

Gageons que Rimbaud apprit la grammaire, avant de l’abradacadabranter, dans cet Abrégé de la grammaire nationale de Bescherelle que je feuillette en vain à la recherche des propositions. J’ai téléchargé l’édition de 1862 — Arthur avait huit ans — oui, encore lui, sa figure me charme et m’intéresse. Baudelaire, de sinistre figure, allait mourir cinq ans plus tard, et cinq ans plus tôt, il avait corrigé les dernières épreuves des Fleurs du Mal. Je les ai téléchargées également, aiguillonné par une publication de la Bibliothèque Nationale de France qui suggère de fêter ainsi le bicentenaire de sa naissance. Bescherelle parle des membres de la phrase et non des propositions, dont acte. Il envisage la syntaxe de la phrase en termes de conjonction :

Tout mot qui sert à établir un rapport entre deux membres de phrase, est une CONJONCTION. La conjonction est aux phrases ce que la préposition est aux mots. Sa figure me charme ET m'intéresse. […] LISTE DES PRINCIPALES CONJONCTIONS. Ainsi — car — comme — cependant donc — et — lorsque — mais — quand — néanmoins — ni — or — ou — parce que — puisque — que — quoique — savoir — si — soit — toutefois.

Voilà pour la conjonction, les membres conjoints, la conjugalité des membres de la phrase. Pour la relation, nous avons les relatifs :

Les pronoms relatifs sont ainsi appelés à cause de la relation intime qu’ils ont avec un substantif ou un pronom qui précède, et dont ils rappellent l’idée.

Quid de la subordination ? Il n’en est guère question dans cet Abrégé de la grammaire nationale. Je ne vois qu’une solution de continuité entre la subordonnée conjonctive et la subordonnée relative. Pourquoi ne parlerait-on pas de propositions dominées ? La proposition principale serait proposition dominante, ou mieux, proposition dominatrice, en lui prêtant quelque velléité hégémonique. Je proposerais volontiers, à elle conjointes : des propositions harceleuses, des fastidieuses, des allongeuses, des luxueuses, des monstrueuses, des menteuses, des lancinantes, des stimulantes, des déprimantes, des ampoulées, des amputées, des mal tournées, des mal léchées, des endimanchées, des imprécatrices, des tentatrices, des répétitives, des roboratives, des putatives, des trop-faciles, des inutiles, des mécaniques, des chimiques, des oniriques, des phtisiques, des emphatiques, des pianistiques, des pornographiques, des amphigouriques, des euphoniques, des lunatiques, des nocturnes, des diurnes, des ubuesques, des sévères, des salivaires, des imaginaires, des héliotropes, etc. Mais des poétiques : NON. En règle générale, non.

Donc n’apparaît guère dans les vers de Baudelaire que dans des questions, des injonctions et des exclamations. Rarement dans des affirmations. Mais qui, que, car, puisque, vous les trouvez.

LA SUBODORÉE.

Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon cœur plaintif es entrée,
Toi qui, comme un hideux troupeau
De démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humilié,
Faire ton lit et ton domaine,
— Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l’ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
— Maudite, maudite sois-tu !

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