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Phèdre se blouse

André Gide donne des conseils à une jeune actrice pour jouer Phèdre dans la première scène de l’acte III. Qu’il faut savoir rire tragiquement. Il cite quelques vers qui sont des vers à rire. Que "Phèdre se blouse", quel drôle de verbe dans les colonnes du Figaro littéraire. Nous sommes en août 1942, et Gide fait une lecture minutieuse de Phèdre. Il donne le plus mauvais vers de la pièce, et sans doute de tout Racine, pense-t-il : "Il a pour tout le sexe une haine fatale." Au moins est-ce clair, commente-t-il. Tout occupé à relever les dérivations, antanaclases et polyptotes dans d’autres textes, j’ai fredonné ce vers de travers : "Il a pour tout le sexe une haine totale", me disant : quand même, il y a bien une dérivation dans ce vers qui fait tache. Mais je me blousais. Au moins, en lisant Gide lisant Racine, il me semble qu’il y eut un écrivain, et pas seulement la statue du Poëte. Difficile de dire et d’entendre que Racine est un écrivain, de penser que tel vers, telle réplique eussent pu être tournés autrement. Je me souviens avoir lu un témoignage sur la petite fabrique poétique de Racine : il disait ses vers à voix haute dans un parc, les inventait en marchant, les proférait pour éprouver leur qualité. Que si le vent eût soufflé plus fort, l’allitération l’eût imité. J’ai regardé quelques extraits de la mise en scène de Patrice Chéreau, à la recherche du rire tragique. Mes amis qui ont eu le privilège d’y assister en 2003 en ont toujours parlé avec une admiration communicative. J’admire donc aussi. 

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