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La nouvelle médiathèque de Cahors

Ô Larbaud, si tu savais ! Je lis dans La Dépêche
Que tu as donné des sueurs froides aux bacheliers.
C’est que, un après-midi de juin,
Des centaines de milliers de jeunes gens
Ont lu ton Ancienne gare de Cahors :
Soudain plus de lecteurs que tu n’en eus en un siècle !
Ils se sont interrogé sur l’étrange objet de ton admiration,
Cette gare désaffectée, vieille et rose
— Et moi, je l’ai trouvée bleue en ce dimanche de juillet,
Et coiffée bizarrement d’un couvercle modernement 
Architecturé, la faisant ressembler, de l’autre
Côté des rails rouillés, à une piscine provinciale
— Mais c’est une médiathèque, et, pour t’expliquer ce que c’est,
Je dirais que c’est une sorte de bibliothèque qui se débarrasse
Sans vergogne de ses livres périmés à mesure qu’elle en acquiert
De nouveaux, plus au goût du jour — Toi,
Tu n’es tellement pas au goût du jour que tes vers
Obsolètes sont devenus un sujet de baccalauréat, 
Couronnement académique des Poëtes Mineurs. 
Ta gare endormie s’est déclinée en infinis commentaires, 
Mais pour la première fois en cette année 2021, 
Les copies des bacheliers n’ont pas été lues.  
Des agents les ont scrupuleusement
Scannées — comment t’expliquer cela ?... 
Disons qu’ils ont photographié trois millions de pages
Pour les projeter sur des sortes de téléviseurs :
Les professeurs les ont regardées chez eux 
Et corrigées une à une sans pouvoir 
jamais les toucher  — nous appelons cela
Dématérialisation, ô Poëte de l’autre siècle 
— C’est pour la joie de Dieu, la joie sans chair ! —, 
Et nous ne toucherons plus jamais de papier, 
Ni ne ferons couler aucune encre.

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