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L’arbrelivre


Au milieu de la scène à peu près apparut un arbre. Perpendiculaire aux planches : un tronc. Je crus d’abord à une silhouette, corps drapé à peine apparu dans ce qui ne s’appelle pas encore lumière. J’avais rouvert les yeux, et voici ce que je distinguais : un grand corps drapé comme le Balzac de Rodin. Mes yeux s’accoutumant à cette quasi obscurité, ou l’apparition se faisant plus lumineuse, je vis que c’était un tronc d’arbre et non une statue d’écrivain, puis des branchages apparurent, mais détachés du tronc : complexes branches de buis mortes, ramassées dans une forêt lointaine et transportées dans la cage du théâtre, suspendues aux cintres. Le plateau jonché de morceaux d’écorce, lichens, minuscules feuilles mortes — car je parcourus le plateau après les applaudissements, et ce n’était pas un arbre, ou ce n’était l’arbre d’aucune forêt, disons l’absent de toute forêt et de tout bois : arbre recréé, arbre tout de papier brûlé, de cendres d’autodafés, de cadavres de livres. On avait fait feu de tout livre : des invendus destinés au pilon, des comédies humaines sans lecteurs, des Mein Kampf, des Bibles. Le tronc était coupé net. Son cœur était tout de feuilles. On pouvait les cueillir de l’intérieur. C’était un arbre de la connaissance et un souvenir de la connaissance, une image autant qu’une idée, une illusion bien sûr, un présage, un sortilège, car toutes les fictions y étaient carbonisées, les paraboles tronquées.

 

 

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