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Hygiène - Page 2

  • Distorsions lunatiques

    albert giraud,pierrot lunaire

    CUISINE LYRIQUE

    Ridé comme une pomme blette,
    Le Pierrot agite très fort
    Un poêlon, et, d’un brusque effort,
    Croit lancer au ciel qui paillette
    La Lune, la jaune omelette.

    Albert Giraud, Pierrot lunaire

    Des hommes tournent autour de la Terre et le tourisme n’a jamais aussi bien porté son nom. On les imagine dans l’espace mais ils sont aussi loin de la Terre que moi de la France quand je viens de passer la frontière belge. — On pronostique l’avènement du tourisme lunaire en 2024.

    Sur la table il y a un verre, une tasse, une carafe, une bombe et deux tubes de peinture, des piles de livres, un ordinateur, un scaneur, une imprimante, etc. J’écoute un sceptique qui dit que ces objets, s’ils devaient avoir une influence sur moi, y parviendraient de manière plus certaine que la planète Mars.

    Les croyances sont peuplées de détours et de subterfuges, de raisonnements obliques et de confirmations biaisées. Mon jardin poétique aussi, où se logent mes inquiétudes et mes rêveries. On a calculé trois fois mon ascendant mais je ne m’en suis jamais souvenu, et mon heure exacte est inconnue. Mon nom est Pierre, pas Pierrot, et j’enfile des perles sur le collier de mon scepticisme.

    Quant à la poésie, on la préfère muette ou travestie. Si elle brode les noms des astres, elle frise le ridicule. — Le sceptique dit que le sens n’immunise pas contre le hasard, la bonne foi contre l’erreur.

     

    albert giraud,pierrot lunaire

     

  • Cratyle

    cratyle.png

    Each impression can get a name
    The one you like

    This city is a cage of desires
    Its ring roads the future

    Don’t believe the dandelions
    nor the grass

    Beware of this name
    the moon

  • Âme singulière

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    The singular soul has a crush for the dandelion
    They both fly to their dispersion

     

    The painter and his chinese ink
    N’abandonne pas ton cœur à la désolation

  • Say Om

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    Il disait Om et moi une octave plus bas
    Dans l’Oregon on chassait la biche
    Le chemin est coupé comme la queue d’un chien

     

    Étais-je allé à Rishikesh
    Rien que ce nom

     

    Everyone is their own guru he said

  • L’encre ou la chair

    L’art est triste, hélas...

     

    Hier, il est allé à Hangzhou. Comme la chambre de son ami était trop petite et qu’il ne voulait pas le déranger, il est retourné à l’hôtel. Il a dormi toute la nuit. Au réveil, il avait mal aux jambes et n’arrivait pas à marcher normalement. C’est l’effet de la balade sur les routes de montagne. D’habitude, il reste assis pour peindre à la maison toute la journée, mais il se dit que ce n’est pas un mode de vie sain car son corps qui manque d’exercice finit par le dégoûter. Hier soir, il a téléchargé une application pour faire des rencontres. Ce matin, il avait quantité de messages d’hommes de Hangzhou, mais aucun n’avait excité sa curiosité ni son désir ; la plupart utilisaient des avatars trompeurs ; quelques-uns lui avaient envoyé de vraies photos mais n’étaient pas son genre ; tous avaient un besoin impérieux de sexe qui se mêlait aux question convenues et parfaitement ennuyeuses des sites de rencontre. Il continuera de se reposer à l’hôtel toute la journée pour laisser ses jambes se reposer. Il y a quantité de boutiques et de restaurant en bas. S’il a faim, il n’aura qu’à descendre.

     

    — Wenjie poste ce message vers midi, heure locale. Il le documente avec cinq photos : quatre de ses jambes, une de son torse imberbe et tatoué au côté gauche avec deux idéogrammes, les bras étirés au-dessus de la tête pour prendre la photo, le bas du menton joliment arrondi, les aisselles aussi finement poilues que les jambes. J’ai prélevé la traduction automatique de son texte pour lui donner un tour moins maladroit, modifié le mode d’énonciation en choisissant la troisième personne, opéré quelques assouplissements syntaxiques, me suis permis des variations sémantiques en corrigeant les incohérences que j’ai mises au compte des défauts du traducteur chinois-français. Je pense avoir respecté les affects que j’y ai perçus, et, malgré l’éloignement géographique, culturel et linguistique, je constate qu’un homme est un homme, qu’un homme qui désire et dessine se pose à peu près les mêmes questions en Chine et en France : nous sommes du même bois. Il est huit heures, heure française. Je commence ma journée ; Wenjie a peut-être déjeuné. Dans son repos, j’aimerais qu’il fasse une encre musculeuse même si son activité sédentaire le dégoûte quelque peu aujourd’hui ; mais peut-être, dans son vœu d’oisiveté, rencontrera-t-il plutôt un compagnon à son goût, et écrirai-je bientôt, devinant la malice sous une piteuse traduction robotique, et tâchant encore de filer, tisser, et enfin plier un récit : jambes en l’air.

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    © Wenjie Ding

  • Bulle

     

    Ce qui suit est une scène téléphonique.

     

    Je ferme les yeux. Les images vont arriver, les décors vont arriver. Accueillez les images comme elles viennent. Je vois en face de moi un homme qui joue au golf. C’est très étonnant. Il est dans une autre dimension. Il est dans un monde où il est coupé du reste du monde. Je le vois d’une autre planète. Il joue au golf et il est tout seul. Il a des gestes répétitifs. Ils est très précis dans ses gestes. Il pose sa balle blanche sur un petit truc. Il y met son intention, son intention étant de viser plus loin, après il envoie la balle, mais il fait ça tout le temps. C’est comme s’il tournait en rond, dans cet instant où il met son intention, mais ça ne fait rien dans la réalité. On me dit que c’est une boucle temporelle que vous avez. C’est comme s’il fallait réveiller une partie de vous. Cet homme, vous pouvez le contacter en rêve. C’est comme si je vous voyais en train de dormir et qu’il était quelque part en vous… C’est comme s’il fallait le réveiller et dire : "hé ho, t’es dans une bulle, là, il va falloir te réveiller ! T’es dans une bulle intemporelle et tu tournes en boucle…" Lui, il ne sait pas qu’il répète le même mouvement depuis… En tout cas, c’est une histoire que votre égo en partie se raconte. Il est tout seul, il n’y a vraiment personne autour de lui, il n’y a même pas d’animaux. Il n’a même pas remarqué qu’il était seul en fait, c’est vraiment une bulle.

    Et quand j’arrive vers lui et que je pose ma main sur son épaule pour lui dire que je suis là, en fait je le gêne parce que je le déconcentre dans son intention de poser la balle comme il faut. C’est comme un TOC.

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  • Dérive sur l’injonction à penser "demain"

    — Demain, de mane : au matinde bon matin dans la Vulgate. Où tout commence, tout recommence, se répète ou fait peau neuve. — La poétesse fait un vers pour les dictionnaires : "Hier, c’est le regret ; demain, c’est l’espérance." — Le pompeux poète brosse la fresque du "fier demain" contre le "funeste aujourd’hui". — Mais quand il saisonne en enfer, le voyou ne prononce jamais le mot, même dans "Matin", n’y concédant demain que dans le lendemain, et encore s’en prive-t-il absolument, car "Plus de lendemain, | Braises de satin, | Votre ardeur | Est le devoir." — Je me souviens des poèmes gothiques où l’on dit l’endemain qui sonne comme l’entrain. — J’en découvre un mystique, et c’est l’incantation où notre dernier demain rime quatre fois avec la main. — "Jouis. — Je le ferai. — Mais quand donc ? — Dès demain."

  • Spleen

    — Je ne ne touche plus de peau que la mienne, n’ausculte de corps que le mien, ne fleure d’odeurs corporelles que les miennes, n'étant jamais resté aussi longtemps avec moi-même. Ce n’est ni désagréable, ni monotone, ni ennuyeux. Cela peut durer encore, mais il faudrait que cela dure longtemps : un an, comme cet écrivain qui raconte son année de repli volontaire entre quatre murs pour provoquer l’écriture qui jusque-là n’advenait pas, ne sortant qu’une fois par jour pour un paquet de cigarettes et quelques courses, mais silencieux toujours à l’extérieur, ne disant plus bonjour. Il avait coupé son téléphone, ses amis étaient prévenus. Un an sans parler. C’était avant les réseaux sociaux. Aucune interaction. Échanges limités à quelques transactions routinières et silencieuses.

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    — Mon cher, vous connaissez ma terreur des voitures, des vélos et des trottinettes. Tout à l’heure, comme je traversais le boulevard, à grande hâte, et que je sautillais dans la boue, à travers ce chaos mouvant où la mort arrive de tous les côtés à la fois dans le silence des moteurs électriques, mon masque, dans un mouvement brusque, a glissé de mes oreilles dans la fange du macadam. Je n’ai pas eu le courage de le ramasser. J’ai jugé moins désagréable de respirer l’ai virulent que de me rompre les os. Et puis, me suis-je dit, à quelque chose malheur est bon. Je puis maintenant me promener à visage découvert, faire des actions basses, et me livrer au baiser du premier inconnu, comme un simple mortel. Et me voici, tout semblable à vous, comme vous voyez !