Montages - Page 2
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Ex voto
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Où es tu
Je rêve de maisons depuis le début de l’année. C’est rêver doublement : une boîte dans la boîte du rêve. J’ai le tort de ne pas noter mes rêves quand les impressions persistent encore. Très vite, elles s’amollissent, le récit devient lacunaire. Demeure l’angoisse, c’est-à-dire rien d’autre que l’enfermement.
Parfois elles m’apparaissent dans leur structure : je les observe comme sur un plan, ou comme le géant qui aurait soulevé le toit.
Souvent elles n’ont pas de fenêtres, ou alors ce sont d’imposantes ouvertures aux courbures de loggias, immensément vitrées.
Il y en a une qui sortait d’une épopée futuriste, mais une ruine souterraine, quelques marches pour descendre jusqu’à la porte d’entrée, une porte qui ne s’ouvrait qu’à demi. Passer de profil comme une carte à jouer, entrer dans une pièce où l’on pouvait à peine entrer, des cloisons partout, déception.
J’avais volé une cigarette à ma mère. Je rentrais tard. Elle gravissait l’escalier, se retournait comme j’arrivais, me parlait, mais que disait-elle ? Je ne l’avais pas vue depuis si longtemps que je prends le temps de l’admirer hors du rêve : sa chevelure, son regard, sa voix, secrets enfermés dans mes boîtes. Je lui cachais des choses, et encore dans mes rêves. Mais chez nous, il n’y avait pas d’escalier.
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Couvre-feu bleu
Maison de
NuitPlease do
Come
In -
Into her eye again
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Sur l’émail de l’évier
d’encre
de soupir
de feu et d’eauJ’ai brûlé l’encre des mots et les cendres ont grisé l’eau en tombant. Il y a une façon de choisir vite et une façon de ne pas choisir, de lire les livres par derrière ou de les saisir par le milieu. Je ne sais que faire d’une nuée de signes, mais j’ai lu cette question du seigneur ermite, en forme de haïku : "Poètes émus par les cris des singes, entendez-vous l’enfant abandonné dans le vent d’automne ?"
pour l’hiver
j’ai une collection
de dix-sept flocons
d’argentplus
"un cœur
à moi
ce cœur
changeant"
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Inaccurate poem
Sa finitude son imperfection sa fragilité
ses défaillances ses défauts ses vices
ses pulsions ses déviances
sa dérive sa disjonction son chaos
son empire déjà effondré avant que de naître
son empire toujours déjà regretté
son trône accablé
ses possessions de possédé
sa rage d’enragé
ses addictions additionnées
ses mensonges guillotinés
son récit sans héros ni héroïne
sa drogue cristalline
son corps inapproprié d’Apollon exilé
la fiction de sa solitude
les non-dits de son enfant l’enfant qu’il fut
la conjonction des astres les conjectures désastreuses
la roulette russe des formulaires de l’âme
le hasard de son nom et d’être là depuis -
Correspondance III
Lire Montaigne au cimetière
est un projet raisonnable
mais l’édition que je chéris
a dû s’égarerJe prévois le soleil et un banc
un carnet et de la nicotine
et de faire le ménage
en mon cerveauNous tournoyons
revenons sur nos pas
la rivière est pérenne
elle est inconsolableAmis devinons-nous
n’ayons aucun projet
qu’une heure de lecture
il y a 425 ans -
Correspondance II
Comme j’approchais de sa rive
la maison de l’eau perdit son irréalité
ne se reflétant plus dans la rivièreet lui tournant le dos je fis des images
et encore des images car la lumière
dorait outrageusement le matinplus loin un champignon géant
sculptait une souche noueuse
devant l’insondable liquide -
Néomanie
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Ne pas tout saisir