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Montages - Page 3

  • Correspondance I

    À soi-même

     

    Au dos d’une carte postale j’écris que
    j’ai d’innombrables voisins
    dans le cimetière voisin
    et des crucifix métalliques
    des fleurs de pierre
    avec de fausses couleurs
    des ifs abîmés
    et d’absurdes palmiers

     

    — puis en guise d’adresse
    je dessine un cœur très rouge
    — car ma ville a nom Cœur* 
    et que j’ai cœur de Pierre —
    et note verticalement

    30
    rue
    du
    Pape
    Jean
    XXII

    comme Apollinaire disait
    l’Européen le plus moderne
    c’est vous Pape Pie X

     

    postcard_201127.png

     

    * Cahors / Caur en occitan

  • Toute chose animée

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    Ici
    ne
    sont
    que
    paroles sans épices

     

    Je fouine
    quelques dizaines de milliers de lignes de chiffres

     

    Ah mais
    le photographe
    ce que c’est qu’un œil étoupé
    un résidu d’os
    une ombre d’homme
    quand cent mille meurent

     

    Je balance entre amour et téquila
    pégase et vache
    Yang-Tsé-Kyang et postérité

  • Oblitération

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    "...il aperçoit d’un endroit à l’autre de l’étendue de sa vision remuer d’une façon particulière une sorte de petits signes, assez peu marqués, translucides, à formes de bâtonnets, de virgules, peut-être d’autres signes de ponctuation, qui, sans lui cacher du tout le monde l’oblitèrent en quelque façon, s’y déplacent en surimpression, enfin donnent envie de se frotter les yeux afin de re-jouir par leur éviction d’une vision plus nette."

     

     

    au trouve tout.png

  • "— J’ai rêvé de toi cette nuit.

    — Et moi d’araignées."

    Il y a un parfum d’air frais dans la chambre, la fenêtre est grande ouverte. Je change les draps, secoue la couverture, chasse les moucherons, recouvre la terre de la sansevière d’un film plastique pour étouffer les bestioles qui pullulent.

    Je noircis ma barbe et mes yeux.

    La voix de Virginie Despentes dans une lecture rugueuse : "Je ne suis pas isolé de toi, et tu n’es pas protégé de moi."

    En marchant vers le parking, je programme la promenade légale du 1er novembre de  14h30 à 15h30, je déplace ma voiture pour que nul ne me reproche d’abuser du stationnement public, puis descends jusqu’à la rivière par un nouveau chemin à pente raide sous les aboiements de deux affreux chiens qui me tueraient sans le grillage qui les retient. Je m’arrête devant des mousses sur un tronc d’arbre. Le pare-brise d’une voiture est recouvert de feuilles mortes.

    "Tes mains feuilles de l’automne."

    De l’autre côté de la rivière, je photographie un jeune pécheur. Tout est vert, brun, jaune et bleu.

    Je reste à la porte du débit de tabac car j’ai oublié mon masque : cela n’empêche pas la transaction. Deux vieilles femmes discutent sur un banc devant la place désertée par la fête foraine : des jeunes y font du skate, maillots trempés de sueur.

    Sans titre (32).png

  • Zen

    Comme le jeune homme veut reprendre sa place dans la file après avoir rempli son formulaire, un vieillard plus dignement sapé que tous les autres patients, ne l’ayant pas calculé, lui intime d’aller au bout de la file. L’incident me tire brutalement de ma contemplation : la fine découpe de l’oreille, le pavillon rabattu par l’élastique du masque, le dégradé parfait du cheveu crépu. La praticienne me tend un mouchoir à usage unique pour que je me mouche avant l’écouvillonnage. Elle me trouve zen. Il n’y a qu’à respirer normalement, je réponds.

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