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folie minuscule - Page 18

  • Manière de vivre

    Comment je me conduis, comment je parle, marche, regarde, ris, souris, cille, évite, me surveille, me sens surveillé. Ma vitesse, mon volume, mon rapport au vide, au vent, au plein, à la rugosité et à la rigueur, à la douceur et à la caresse, à la sécheresse et à l’humidité. La recherche de l’harmonie et de la géométrie, les lignes droites ici, les courbes là. La multitude des insectes que je discerne à l’œil nu, et tous les autres : nous cohabitons, mais j’essaie de réguler les populations car je redoute l’envahissement, je n’ai pas dit l’invasion.

  • Tristes vers

    Le dégoût de mon triste mari
    bien que le sujet en soit triste
    pauvre et triste miroir
    la triste voix d’un fantôme frileux
    le plus triste des alchimistes
    spectacle vivant de ma triste misère
    la triste beauté de mon désir

     

    triste cœur

     

    sois belle et sois triste
    secrets de mon triste cerveau
    jour noir plus triste que les nuits
    le ciel triste et beau

     

    triste rue

     

    le triste monde engourdi
    triste hôpital tout rempli de murmures
    un flot de triste langueur
    cette île triste et noire
    compagnons de ma triste joie

     

    Les Fleurs du Mal

     

  • Dévouloir

    Hygiène. Conduite. Morale. — La quatre-cent-soixante-quatrième remarque de Vaugelas a pour titre "Dévouloir", verbe inusité signifiant "cesser de vouloir". Malherbe s’en servit pourtant : "Serait-il possible que celui voulût, qui peut dévouloir en un moment ?" Enfin Malherbe vint, écrit Boileau, mais il n’en finit pas de venir dans les trois tomes des Remarques de Vaugelas, et même de convenir et de circonvenir le plus souvent possible. Vaugelas trouve "dévouloir" tellement commode et significatif qu’il souhaite le voir en usage. Notre langue a bien son "détromper", son "défaire" et son "démêler" ; pourquoi pas son "dévouloir" ? — Pour moi, j’y entends un "défouloir", ce qui ne me déplaît pas. — L’époque est au défoulement ou à l’oisiveté, à la colère ou à la retraite. Je m’applique à cesser de vouloir : je tends à dévouloir. Il faudrait encore débrutaliser le monde. — "On a fait un mot en notre Langue depuis peu, qui est débrutaliser, pour dire, ôter la brutalité, ou faire qu’un homme brutal ne le soit plus, qui est heureusement inventé." — Les exégètes de Vaugelas ne sont pas du même avis, qui fournissent une note laconique après l’article "Dévouloir" : "Monsieur Chapelain traite dévouloir de mot factice qui n’a nul usage. C’est Madame la Marquise de Rambouillet qui a fait débrutaliser." — Ces considérations ne sont pas que pinaillage : j’y trouve mon aliment. Il me semble, après avoir parcouru les trois tomes des Remarques de Vaugelas annotées par Olivier Patru et Thomas Corneille en 1738, que la grammaire telle que nous la concevons de nos jours est une mécanique pour locuteurs incompétents. Les discutailleries de Vaugelas sont tout ce qui compte dès lors que les bases de l’"arrangement des mots" son acquises. — Dévouloir : il y aurait dans ce verbe quelque chose de plus actif et immédiat que dans la locution cesser de vouloir. Dévouloir : déshabiller la volonté. Pour débrutaliser : débrutaliser la police manque à notre vocabulaire et aux hypothèses de travail de nos gouvernants.

    — Quant à Baudelaire : "Travail immédiat, même mauvais, vaut mieux que la rêverie. Une suite de petites volontés fait un gros résultat. Tout recul de la volonté est une parcelle de substance perdue. Combien donc l’hésitation est prodigue ! Et qu’on juge de l’immensité de l’effort final nécessaire pour réparer tant de pertes !" — Ailleurs : "Si tu travaillais tous les jours, ta vie serait plus supportable."

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    Eduard Wiiralt, Põrgu (Enfer)