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folie minuscule - Page 20

  • Le printemps clair l’avril léger

    Les nouvelles du passé m’enchantent car je maudis celles du présent. Dans un numéro des Annales politiques et littéraires d’une année 1916 accablée par la guerre mais écrivant passionnément, un poète anonyme déroule des alexandrins de bonne facture, pétris de Lamartine et d’intelligence pratique. Sa femme les aura peut-être lus dans les colonnes du journal, mais la lettre a été trouvée, lit-on à la fin du poème, sur un soldat mort.

    Je veux faire une frise en vert, blanc pur et noir,
    Sur le fond jaune d’or du petit vestibule,
    On voilera, mais très légèrement, de tulle
    Des œils-de-bœuf ouverts aux portes du salon,
    On rafistolera le meuble étroit et long…

    La civilisation du XIXe siècle qui occupe aussi mes journées, c’est le Stendhal de 1830, cette année 1830 qui ne nous évoque guère que la grande machine épique de Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Le prince Korasoff à Julien Sorel :

    "Rappelez-vous le grand principe de votre siècle : soyez le contraire de ce à quoi l’on s’attend."

    Quant à la civilisation du XXIe siècle, elle se commente et se contemple, se notifie et se glorifie, se couronne et se like, s’iphone et siphonne, se message et se propage, se révolte à vingt heures et à vingt heures trente, s’éreinte et s’étrille, se trolle, se pétitionne, se hâte et se hate, s’entreglose, se copie-colle, se tweete et se retweete, se twitche, se filtre, se brute et se broute, se consomme, se consume et se cancelle, se résilie et se résette, se réinvente à l’envi en se viralisant.

    "Le succès de ce mois d’avril et de cette stratégie dépend de chacun d’entre nous, de notre esprit de responsabilité. C’est ainsi que nous pourrons rebâtir ce chemin d’espoir, celui qui nous permettra de retrouver progressivement une vie normale."

    Parole de président — la "harpe éolienne du style" (Stendhal).

  • Poudrière

    La rue de la poudrière est étroite et sombre et longue. J’y déambule sans sauf-conduit entre le déclin du jour et minuit noir. Au bout à l’angle il y a un gros quatre-quatre et vous prenez un bain à température humaine. Les aquariums envahis de verdure sont déserts de poissons. Les mots sont de trop mais on entend quand même parler. Quant à moi je râle.

    L’espoir est un chemin de croix. La brocanteuse se fait une raison. Elle dit un mois ce n’est rien dans une vie. Je lui achète une assiette un pèse-lettres et un calendrier des postes.

    Je commence à lire dans un square à l’ombre des palmiers. Ce sont trente-tois fragments inexorablement numérotés. Je lis et je pense la pandémie est une créature mythique. Cela me console des semaines à venir.