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folie minuscule - Page 65

  • Le monde est détruit / Il faut le versifier

    Fin du cauchemar
    Des avatars
    Plus de caviar
    Voici le coaltar

    Philippe Muray, Minimum respect

    Ma fille est crispée. C'est sa première manifestation. Je veux qu'elle voie et qu'elle entende, qu'elle sente physiquement ce que c'est, une masse d'hommes et de femmes qui applaudissent et crient, consentant à une "convergence des luttes" formulée clairement au micro par quelques harangueurs. Autre chose que les images et paroles rapportées par les chiens de garde qui occupent l'espace médiatique. Elle est choquée par une pancarte qui fait état de l'histoire des violences policières. Je photographie l'autre côté de la pancarte.

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    Et cette profusion de slogans. Cela me réjouit d'autant plus que je ne m'en sens pas capable. J'ai écrit des épigrammes consommatoires il y a quelques années, et l'effusion verbale du temps présent me donne envie d'en écrire à nouveau.

    "Le monde est détruit, il s'agit maintenant de le versifier", disait Philippe Muray.

    Quant au langage, il est détruit. Macron l'a détruit, a expliqué Frédéric Lordon à la Bourse du Travail. Disons qu'il continue de l'achever. "Répression, violence policière, ces mots sont inacceptables dans un état de droit." À quoi Lordon répond: "Mais Monsieur Macron, vous êtes irréparable. Comment dire... dans un état de droit, ce ne sont pas ces mots, ce sont ces choses qui sont inacceptables." 

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    Après la manifestation, nous nous retrouvons dans les rues commerçantes, où le commerce bat son plein. On dirait qu'il ne s'est rien passé. Le soir, au journal télévisé, c'est presque comme s'il ne s'était rien passé non plus. À Paris, on a incendié le Fouquet's, des dizaines de boutiques ont été saccagées. Ce n'est qu'une "nouvelle journée de violences".

  • Qui fume la moquette et qui nous enfume ?

    S’appeler Kevin n’est pas anodin. C’est le prénom masculin le plus donné en France entre 1989 et 1996, constate un directeur de département de l’IFOP à la télé. La carte de France des Kevin et celle de l’adhésion au Rassemblement national se superposent si bien qu’on est d’accord pour y voir une corrélation évidente, sur le plateau télé. Le sujet, affiché en bandeau à l’écran, c’est un livre choc sur la dislocation française. Les invités parlent de l’entre-soi. Dans les catégories aisées de la population, on confie plutôt ses enfants à l’enseignement privé. Les fils de riches et les fils de pauvres se mêlent rarement. Le phénomène s’accentue. Pour résumer, "les interactions entre les catégories aisées et les autres ont tendance à se raréfier".

    Sur les plateaux télé, c’est la même chose. Pendant quelques semaines, on a vu des gens qui n’étaient ni des politiciens, ni des journalistes, ni des "experts". C’étaient des "gilets jaunes". On leur a donné la parole. On s’est rendu compte qu’ils en faisaient un usage inédit, proprement inouï dans ces lieux habituellement réservés à l’entre-soi médiatique. Puis on a décidé de ne plus les inviter. On se contente maintenant de commenter, si possible, la stagnation ou le repli du mouvement des "gilets jaunes" de samedi en samedi, et de déplorer le désordre, les dégradations et les violences que génèrent les manifestations hebdomadaires.

    Pourtant, pendant quelques semaines, on a vu des reportages. On suivait les journalistes sur les ronds-points où les "gilets jaunes" avaient installé leurs quartiers généraux. Parfois on entrait dans leurs maisons, sur leurs lieux de travail. On s’est promené en France. J’étais malade, en arrêt, immobilisé chez moi, j’ai beaucoup regardé la télé, comme un Kevin. On voyait de jeunes journalistes avec de gros micros, des doudounes ou des capuches fourrées qui faisaient la chronique d’un mouvement sans hiérarchie, sans  statut légal, sans déclaration en préfecture ni comptes certifiés. On ne savait pas à quel rond-point se vouer, et, dans les rassemblements parisiens, il fallait éviter les coups. Les caméras faisaient des travellings le long des voitures cramées et des vitrines de magasins défoncées. On constatait les dégâts, on déplorait le manque-à-gagner à l’approche des fêtes de fin d’année.

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