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Sofa / cadeau d’une confinée
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The Queen
J’ai terminé Moby-Dick. La voix du lecteur est restée dans mes oreilles, son timbre, son rythme, son phrasé, c’est lui, la voix d’Ismaël. Je n’ai pas lu Moby-Dick et ne le lirai peut-être jamais, cette fameuse chasse à la baleine, l’un des plus puissants récits romanesques de l’époque moderne dit-on, c’est ce que j’avais dans l’oreille, on en parlait avec admiration, je suis passé à côté, j’ai aimé pourtant, mais vaguement, dans mon écoute reprise maintes fois, l’épopée maritime et ses mots étranges, si, quand même, j’écouterai encore, ou je lirai la chute dans la baleine, la mort dans le puits de la baleine, le puits creusé dans la tête de la baleine, la noyade dans la graisse de la baleine, le spermaceti, je ne connaissais pas ce mot, il résonne encore, je cherche sa définition : pendant longtemps on a cru que c’était la semence de la bête, la tête fabriquait le sperme ! La scène est formidable au sens propre : terrifiante. — C’est Renaud Camus qui m’a appris cela, le sens littéraire de cet adjectif auquel je pense chaque fois que quelqu’un dit "formidable", Renaud Camus, je m’étais régalé de son Dictionnaire des délicatesses du français contemporain. Mais depuis quelques années, il est illisible, égaré dans sa théorie du "grand remplacement", et je vois qu’il persiste à lire notre époque à travers ce prisme obsédant de l’invasion des populations islamiques, de l’anéantissement des populations européennes et de leur culture multiséculaire, je le lis sur son compte Twitter : "L’essentiel pour le pouvoir génocidaire c’est que la crise sanitaire ne nuise pas au génocide par substitution. Les précédents étaient pareils. Leur pays était en ruine, leur peuple crevait de faim, mais ils veillaient à ce que les trains pour les camps partent bien." Formidable en effet.