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  • Homo detritus

    Sortir sous couvert d’un bout de papier et de la nécessaire nicotine, marcher courbe en improvisant quelques détours sous le soleil insolent, observer les gants poussés par le vent contre les pierres d’une jardinière urbaine, déchiffrer l’emballage d’une salade industrielle au poulet confiné malgré son nom de dictateur : documenter les déchets de l’époque qu’on appelle volontiers anthropocène ou capitalocène — mais poubellocène et plus encore poubellien lui vont comme un gant.

     

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  • Enfant endormi couronné de laurier

    Force de l’habitude : manger un œuf est à chaque œuf sacrifié quelque chose de bon et de bizarre, et le lait s’écoulant de la brique de lait ne fera jamais de moi un Romulus — ni les vaches-à-lait ne sont putes antiques. De l’autre côté de l’Atlantique, celui-ci se renverse par mégalitres en des fosses puantes ; on broie ceux-là, craquements de coques, tuant dans l’œuf le coq absent. Œuf non désiré, vanité de l’œuf : l’absent de toute omelette ; fontaines de pis : vous épuisez les hommes de somme ! — Les troupeaux d’hommes et de femme se sont figés, qui s’y habituent malgré leurs éructations et leurs gesticulations planétaires — images d’images d’images.

    Car nous demandons réparation, nos angoisses sont légion, nos colères formidables, mais la rue est pavée de silences et de pigeons, ici de poules d’eau, là de troupeaux de vaches : ce sont encore des images. — Enfin, nous sortons masqués et traqués, évitons la contagion des regards, ne nous embrassons plus que par oubli : imagination ! — Fuyant la mort, nous esquivons la vie.

    Ainsi, quelques-uns soulagent les vaches ; quelques autres les poules. D’autres encore soutiennent les immobiles en acheminant du prêt-à-vivre qui est un bientôt-mourir, et tout ce que nous avalons eut un jour forme géométrique issue du cercle et du carré. Enfin, d’invraisemblables costumes de papier blanc et bleu accompagnent le hasard jusqu’au sursaut ou à la mort — et l’agonie des déchus dure une lune.

  • Rien sans peine

    Première vision de la journée : sur Facebook, des images tournées dans la nuit à Villeneuve-la-Garenne, des échauffourées, un journaliste sans carte de presse qui filmait les rues, smartphone en main, commentant ce qu’il voyait, entendait, les gyrophares des camions de police — un policier l’a menacé, il lui demandait de rentrer chez lui, ne voulait rien entendre au droit de filmer, n’ayant aucune considération pour un journaliste sans carte de presse, on entendait soudain des cris, l’image bougeait, suivie en direct par deux mille personnes, c’était des traînées lumineuses, et l’image finissait par se renverser dans les cris d’un homme battu.

     

    Une note de Sylvain Tesson en janvier 2014 dans Géographie de l’instant :

    "La pensée collective est stupide parce qu’elle est collective : rien ne peut franchir les barrières du collectif sans y laisser, comme une dîme inévitable, la plus grande part de ce qu’elle comportait d’intelligent." Toujours se répéter cette phrase du Livre de l’intranquillité de Fernando Pessoa quand on assiste à une manifestation de rue, un mouvement de foule, qu’on découvre un sondage, une pétition ou une page Facebook. On peut aussi se pénétrer de la pensée de Simone Weil qui voyait dans la collectivité "cet être abstrait mystérieux, inaccessible au sens et à la pensée" et ne concevait d’espace pour la liberté qu’au seul étage de l’individu. Seul hic, la majorité des gens partage ces pensées.

    Il est tombé en disgrâce dans les médias. C’est sur Facebook précisément que j’ai découvert la polémique suite à ses déclarations sur les gilets jaunes qui "font moins les malins" en temps de crise sanitaire. Il a été maladroit, aurait mieux fait de se taire — est écrivain : pense dans le silence de l’écriture et non dans la parole proférée — tout son art est dans la chute de la dernière phrase, ce "seul hic" qui ne franchira jamais les portes étroites des réseaux sociaux et de leurs affects viraux.

     

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