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  • The Queen

     

    J’ai terminé Moby-Dick. La voix du lecteur est restée dans mes oreilles, son timbre, son rythme, son phrasé, c’est lui, la voix d’Ismaël. Je n’ai pas lu Moby-Dick et ne le lirai peut-être jamais, cette fameuse chasse à la baleine, l’un des plus puissants récits romanesques de l’époque moderne dit-on, c’est ce que j’avais dans l’oreille, on en parlait avec admiration, je suis passé à côté, j’ai aimé pourtant, mais vaguement, dans mon écoute reprise maintes fois, l’épopée maritime et ses mots étranges, si, quand même, j’écouterai encore, ou je lirai la chute dans la baleine, la mort dans le puits de la baleine, le puits creusé dans la tête de la baleine, la noyade dans la graisse de la baleine, le spermaceti, je ne connaissais pas ce mot, il résonne encore, je cherche sa définition : pendant longtemps on a cru que c’était la semence de la bête, la tête fabriquait le sperme ! La scène est formidable au sens propre : terrifiante. — C’est Renaud Camus qui m’a appris cela, le sens littéraire de cet adjectif auquel je pense chaque fois que quelqu’un dit "formidable", Renaud Camus, je m’étais régalé de son Dictionnaire des délicatesses du français contemporain. Mais depuis quelques années, il est illisible, égaré dans sa théorie du "grand remplacement", et je vois qu’il persiste à lire notre époque à travers ce prisme obsédant de l’invasion des populations islamiques, de l’anéantissement des populations européennes et de leur culture multiséculaire, je le lis sur son compte Twitter : "L’essentiel pour le pouvoir génocidaire c’est que la crise sanitaire ne nuise pas au génocide par substitution. Les précédents étaient pareils. Leur pays était en ruine, leur peuple crevait de faim, mais ils veillaient à ce que les trains pour les camps partent bien." Formidable en effet.

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  • Rien n’y fait

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    Je tourne peu de pages, j’écoute les livres. Que se passait-il hier, cette torpeur ? J’ai éteint mon téléphone, posé l’ordinateur sur le bureau, lancé Moby-Dick un peu au hasard vers la quarantième minute, j’en étais resté à peu près là, je voulais retrouver le narrateur dans sa chambre, l’écoutant dans la mienne. Il avait hésité beaucoup, l’aubergiste lui ayant proposé de partager le lit d’un cannibale qui tardait à rentrer, mais le banc, là, ferait sans doute l’affaire, quoi, attendre dans son lit le retour d’un inconnu qui vendait nuitamment des têtes de mort, le banc serait plus sûr, l’aubergiste entreprit de le poncer pour le rendre plus accueillant, ramassa les copeaux de bois répandus sur le carreau, le banc était trop court, il n’y avait rien à faire, il eut beau le déplacer, tenter de dormir les pieds contre un mur, c’était trop inconfortable, il se résolut à accepter la chambre et peut-être la saleté, et peut-être la mort, mais il fallait dormir, l’aubergiste se voulait rassurant mais ne parvenait pas à apaiser le narrateur. La chambre n’était pas si mal finalement, il s’allongea, à quoi pensait-il donc, sa crainte de voir surgir le cannibale, cette dernière tête qu’il veut vendre cette nuit car demain c’est dimanche et qu’aucun chrétien n’achètera une tête de mort à un païen le jour du Seigneur, le souffle coupé sous la couverture en attendant la mort peut-être, et voilà qu’entre le cannibale, il tarde à se coucher, il ne remarque pas tout de suite celui qui raconte son absence depuis tout à l’heure. L’ordinateur s’arrête, je dormais presque, ils avaient peut-être déjà embarqué, ils étaient devenus amis, partageaient le même lit, le visage buriné, entièrement tatoué, Queequeg l’imprononçable parlait une langue incompréhensible, il prenait soin de rester au bord du lit pour laisser suffisamment de place à son compère, ils étaient donc devenus amis, combien de jours et de nuits durèrent les préparatifs, le cannibale au tomahawk ne lisait pas mais comptait les pages des livres en s’émerveillant du nombre de lots de cinquante qu’il parvenait à dénombrer, émerveillé plus encore de ce que le narrateur lui faisait la lecture. Il fit une telle impression quand il mania le harpon qu’on lui promit 1/90ème de la recette quand le narrateur avait difficilement négocié 1/300ème. Ils allaient embarquer sur le baleinier. J’ai repris le fil à une heure sur le livre audio, une pâte de henné étalée sur mes cheveux enfermés dans un film plastique, protégés des rayons du soleil par une serviette sombre, une pâte d’argile sur le visage dans les vingt dernières minutes, avant de rincer tout ça pour réapparaître comment... 

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