On se presse dans les escalators pour le train de dix-neuf heures trente-sept, on dirait qu'il y a bousculade en cerveaux agités, odeur de chips dans le froid de janvier et femme mangeant chips, plongeant main aux ongles vernis dans sac à main en simili Burberry. Ce matin c'était ronde éponge garnie de poudre compacte glissant sur vieille peau dans le métro, le creux des joues comme grottes tapissées d'un enduit plus sombre. Le regard circulait et l'indifférence peut-être, on n'entendait que le râle des rails et les soupirs de la nuit encore déjà.
folie minuscule - Page 127
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Suburbanité
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Le chevalier désaffublé
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu’il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuirJ’ai force suffisante en moi
pour me lever chaque matin
le dur est de s’acclimater
à nouveau après cette halte
en luminosité lunaire
où le rêve tisse une toile
que l’on déchire dans la ruePas à pas ramendons filet
de notre vie imaginaireGeorges Perros, Une vie ordinaire
(Et le Dispariteur, au galop, dit-il, je galope je galope mais je ne suis pas à la maison, merci chevalier Queue, il lit encore Perceval, donc, mais il écrit Queue au lieu de Keu. Plus tôt dans la matinée il écrivait: Et Queue parmi la sale vint, trestoz desafublez, et tint an sa main destre un bastonet, el chief un chapel de bonet, don li chevol estoient blont, n'ot plus bel chevalier el mont, et fu tresciez a une tresce, et non, il n'y avait, il n'y eut, dit-on en ancien français, il n'y eut pas de plus beau chevalier au monde, ses cheveux blonds, il avait sur la tête un chapeau, de quoi, de bonnet, je ne comprends pas, ou alors ce sont les poils du bonnet qui sont blonds, il tint dans la main droite un petit bâton, il fut tout désaffublé, et c'est le plus beau mot du texte, désaffublé.)
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Yves-Noël dit que je suis distrait car je confonds les ananas et les pommes de terre
Me-lis-tu
Yves-Noël met souvent un lien externe de son blog vers mon blog. Quand je pointe mon curseur sur le titre d'une note dans son blog, je lis "external link". Là, c'est un lapsus, faute de frappe, touche du x pas enfoncée, juste effleurée (je tape vite). Lapsus informatique, non, lapsus des doigts, lapsus digital, lapsus tactile.
Tropisme informatique et amoureux
Plus précisément. Je rédige la note, je crée le lien hypertexte vers le blog d'Yves-Noël. Je vérifie ensuite que ça fonctionne sur mon blog, et en pointant le curseur sur ledit lien, une fenêtre minuscule me propose une traduction formulée comme suit: "eternal:éternel". Je me dis alors que le correcteur automatique se trompe avec beaucoup de poésie, me proposant "eternal" là où j'ai écrit "external". Je reviens sur mon rectangle d'écriture Hautetfort, ma page blanche, prêt à déverser une phrase lyrique sur la poésie informatique, la rêverie numérique, etc., et puis je me rends compte que j'ai vraiment écrit "eternal", que l'outil informatique n'a fait que me proposer une traduction de ce que j'ai écrit. Ce n'est rien, la poésie est là quand même, et le lien.
(Sans doute je suis bien distrait en ce moment.)