Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

folie minuscule - Page 10

  • --

    J’ai beau dire
    je suis un homme du XIXème siècle
    et pas la peine de protester
    ramassant les auréoles passées
    sur le macadam de la poésie 
    consciente de sa chute

     

    Il n’était pas trop tard
    ce soir pour relire ça ni
    pour ouïr cette Mademoiselle Bistouri
    qui tant désire un médecin si gentil
    et si bon pour les femmes 
    comme elle dit

     

    Ah ah cette vie
    cette vie on pouvait la peindre
    l’imaginer la continentaliser l’océaniser
    la moraliser bellement en prose
    malgré l’âme irresponsable
    l’âme muette

     

     


    N’ayant le clavier romanesque et ne m’en consolant qu’à moitié
    j’ai racheté une plume de gaucher qui souplement glisse sur le papier
    and so what j’ai écouté idolâtrement le grand roman de l’avarice
    au timbre mat au rythme langoureux au phrasé terne à souhait
    et  franchement Eugénie Grandet déployée à mes oreilles
    rien de mieux qu’un monument du siècle du papier

  • Gradiva

     

    Ce sont des pieds et il n’y a que des pieds
    quand le cinéma recrée la vie de la tête aux pieds
    là vous ne voyez que des pieds
    dans un film tourné à hauteur de pied
    sur un autre continent où vous n’irez jamais
    alors vous regardez le souvenir de ces pieds-là
    comme on garde un souvenir 
    car vous voyez les pieds
    comme une cinéaste par toquade les filma
    jadis dans les années soixante-dix

     

    Mais vous vous souvenez d’autres pieds
    conservés depuis des périodes géologiques
    où personne ne songeait à nommer les périodes géologiques
    des empreintes de pieds dans une terre fossilisée
    et l’on restitue méthodiquement le mouvement d’un groupe
    se déplaçant d’un point à un autre
    évanouis l’un comme l’autre point dans les frasques de la matière
    hommes femmes et enfants courant pour une raison à jamais enfouie
    ayant couru quelques secondes de vie 
    révélées par un insoucieux hasard

     

    Je gage que les pieds filmés dans les années soixante-dix
    universellement visibles depuis dix ans sur vos ordinateurs
    regardés en moyenne dix fois par jour j’ai compté
    disons deux fois en France deux au Mexique deux aux États-Unis d’Amérique
    et pour les quatre autres comme vous voudrez
    auront disparu des écrans disparus
    quand la terre conservera encore aveuglément
    des empreintes de pieds
    auxquelles nul archéologue
    ne rêvera plus

  • --

    IMG_4090b.jpg

     

    Le torchon décore toutes mes cuisines
    Toutes mes vies là où j’arrive par hasard
    N’a jamais essuyé aucun verre aucune faïence
    En essuyant mes souvenirs mes tracas mes tragédies

     

    Simulacre de torchon miniaturisé sur carte postale
    De ces souvenirs à un euro à la sortie d’une expo
    Torchon brodé d’une main qui sait l’art de broder
    condense l’expérience en formules pompeuses dérisoires

     

    Il dit ceci au féminin que je suis allée en enfer
    En suis revenue et je peux vous dire je traduis
    Que c’était merveilleux car c’est brodé
    Malicieusement en américain

     

    Je l’ai découpé à l’époque puis recouvert d’un plastique
    Et là cachant un trou disgracieux près de la fenêtre
    Il me rappelle des siècles de littérature
    Qu'un sourire centenaire dénoue

     

    Bientôt je l’encartonnerai pour aller vivre ailleurs
    Pas si loin mais plus haut plus près du ciel et de l’eau
    La brodeuse qui le broda continuant de penser
    À moi qui pense à elle comme si