Un grand homme
dans un bon coin
ce matin
Les livres
comme des nu-pieds usés
se donnent
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Un grand homme
dans un bon coin
ce matin
Les livres
comme des nu-pieds usés
se donnent
Cherchez un médecin sur votre téléphone
vous trouvez le docteur Descorps
le bien nommé
il s’occupera du bouton qui est apparu tel un minuscule champignon au creux de votre coude
le ligaturera en vous laissant puérilement fermer les yeux
vous prévenant de sa brutalité
mais finalement vous ne sentirez rien
sur le coup
Ce soir vous irez vous baigner à la rivière
mais vous craindrez encore que les chevelures profondes des algues vous gardent prisonnier ou qu’un silure vous frôle
À la surface de l’eau vous observerez une figue trop tôt tombée
mielleuse figue pas même octobrine
ni la douceur des lèvres
Demain vous arpenterez encore quelque colline de causse blanc
ferez une offrande à l’antenne monumentale plantée en son sommet
admirerez la sobriété de la cathédrale et du pont médiéval
et si c’est le matin croiserez encore le regard d’une biche inphotographiable
vous marcherez sur ces marches où les mots jeunesse et reconstruction furent gravés l’an 1965 et l’an 1967
puis un vieil homme vous invitera dans un sentier forestier inconnu des cartes où il descendra plus habile que vous avec son bâton prudent
Un jour prochain vous chercherez le meilleur angle pour dissimuler la cathédrale dans les arbres moutonnants du boulevard et du lointain
la cathédrale aux dômes jumeaux
à la couverture de tuile et d’ardoise fine
Vous retournerez sur la colline avec l’amant de vos trente-trois ans
fixerez quelques sourires devant la carte postale de l’horizon
et chercherez les mots en regrettant de n’être capable de formuler les plus précieux qu’entre les lignes de ce poème
Vous discuterez aimablement en anglais avec un touriste poids-plume chinois résidant en Allemagne
qui repassera par ici
Vous ouvrirez la porte à un coiffeur un peu avant neuf heures puisque vous n’allez plus chez le coiffeur
Vous laisserez votre chat patauger dans la douche
soignerez les plis hauts des rideaux
rangerez quelques galets dans une boîte à chaussures
rempoterez une orchidée
contemplerez à la télévision les villes tentaculaires des hauts plateaux des Andes
Plus sérieusement vous tenterez de comprendre le pied de la lettre et la persistance rétinienne du luth constellé dans le sonnet tant aimé de Nerval
et méditerez la sentence d’Oscar Wilde qui dit ceci que l’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs
Votre dossier est facile. Si fait, empruntons et devenons propriétaire. Mais d’abord, répondons au questionnaire médical. Votre hygiène de vie est-elle irréprochable ?
Pour emprunter Claudel, je présente mon attestation de vaccination : la fréquentation de la médiathèque est à ce prix.
Pour visiter Paul Valéry en son musée, point d’attestation, mais on rechigne devant mon billet de dix ; je dois insister ; on ne peut le refuser. Le poète manquait d’argent et fumait beaucoup. On le voit parfaitement sur un grand tableau.
On écoute religieusement les sizains sacrés : colombes, tombes, feux, dieux… C’est une boucle qui hante, aux heures d’ouverture, une petite salle du musée.
Au cimetière marin, je photographie naïvement, sur la tombe du poète démodé, une pensée, qui dans le poème rime avec la mer recommencée. C’est une pensée fleur, mais une fleur de céramique. Dans la partie Est du cimetière, c’était la mode entre 1870 et 1920, les tombes sont ornées de couronnes de mimosa. Certaines intactes, d’autres brisées, parfois percées d’un trou accueillant une abeille solitaire : redoutable, l’abeille solitaire, affirme un connaisseur.