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Le pays - Page 5

  • Le printemps clair l’avril léger

    Les nouvelles du passé m’enchantent car je maudis celles du présent. Dans un numéro des Annales politiques et littéraires d’une année 1916 accablée par la guerre mais écrivant passionnément, un poète anonyme déroule des alexandrins de bonne facture, pétris de Lamartine et d’intelligence pratique. Sa femme les aura peut-être lus dans les colonnes du journal, mais la lettre a été trouvée, lit-on à la fin du poème, sur un soldat mort.

    Je veux faire une frise en vert, blanc pur et noir,
    Sur le fond jaune d’or du petit vestibule,
    On voilera, mais très légèrement, de tulle
    Des œils-de-bœuf ouverts aux portes du salon,
    On rafistolera le meuble étroit et long…

    La civilisation du XIXe siècle qui occupe aussi mes journées, c’est le Stendhal de 1830, cette année 1830 qui ne nous évoque guère que la grande machine épique de Delacroix, La Liberté guidant le peuple. Le prince Korasoff à Julien Sorel :

    "Rappelez-vous le grand principe de votre siècle : soyez le contraire de ce à quoi l’on s’attend."

    Quant à la civilisation du XXIe siècle, elle se commente et se contemple, se notifie et se glorifie, se couronne et se like, s’iphone et siphonne, se message et se propage, se révolte à vingt heures et à vingt heures trente, s’éreinte et s’étrille, se trolle, se pétitionne, se hâte et se hate, s’entreglose, se copie-colle, se tweete et se retweete, se twitche, se filtre, se brute et se broute, se consomme, se consume et se cancelle, se résilie et se résette, se réinvente à l’envi en se viralisant.

    "Le succès de ce mois d’avril et de cette stratégie dépend de chacun d’entre nous, de notre esprit de responsabilité. C’est ainsi que nous pourrons rebâtir ce chemin d’espoir, celui qui nous permettra de retrouver progressivement une vie normale."

    Parole de président — la "harpe éolienne du style" (Stendhal).

  • Où dormir

    Devant moi sous les arches le chien s’appelle Vanille. C’est sa maîtresse qui me l’apprend, l’appelant dans mon dos. Pour éviter l’unique boulevard dans cette ville méandreuse, j’emprunte volontiers les voies parallèles à cause de leur solitude : la rue Fondue-Basse puis la rue Fondue-Haute, ou la rue du Château du Roi. Le soleil y pénètre rarement et ne rencontre dans la saison froide que le dernier étage des bâtisses bancales. Je me représente la froideur et les siècles de ces étages dont les plafonds mesurent deux ou trois hauteurs d’homme. Comment vit-on derrière de si vieux murs, si hauts et si austères ? Les murs de ma maison, dans ma rue papale, sont plus modestes. Tout y est plus bas. Les pièces en enfilade au rez-de-chaussée et à l’étage sont étroites comme de larges couloirs, les murs épais penchent vers l’intérieur, les fenêtres ne connaissent que le Nord d’où je viens.

    cahors

    Le soir venu, j’hésite à m’allonger dans le salon sur le matelas qui borde la bibliothèque, ou dans ma chambre qui le surplombe, froide et vide, mais chambre à usage de chambre, où ne me divertit et ne m’endort qu’une voix docte sur mon téléphone.