Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le pays

  • L’arbrelivre


    Au milieu de la scène à peu près apparut un arbre. Perpendiculaire aux planches : un tronc. Je crus d’abord à une silhouette, corps drapé à peine apparu dans ce qui ne s’appelle pas encore lumière. J’avais rouvert les yeux, et voici ce que je distinguais : un grand corps drapé comme le Balzac de Rodin. Mes yeux s’accoutumant à cette quasi obscurité, ou l’apparition se faisant plus lumineuse, je vis que c’était un tronc d’arbre et non une statue d’écrivain, puis des branchages apparurent, mais détachés du tronc : complexes branches de buis mortes, ramassées dans une forêt lointaine et transportées dans la cage du théâtre, suspendues aux cintres. Le plateau jonché de morceaux d’écorce, lichens, minuscules feuilles mortes — car je parcourus le plateau après les applaudissements, et ce n’était pas un arbre, ou ce n’était l’arbre d’aucune forêt, disons l’absent de toute forêt et de tout bois : arbre recréé, arbre tout de papier brûlé, de cendres d’autodafés, de cadavres de livres. On avait fait feu de tout livre : des invendus destinés au pilon, des comédies humaines sans lecteurs, des Mein Kampf, des Bibles. Le tronc était coupé net. Son cœur était tout de feuilles. On pouvait les cueillir de l’intérieur. C’était un arbre de la connaissance et un souvenir de la connaissance, une image autant qu’une idée, une illusion bien sûr, un présage, un sortilège, car toutes les fictions y étaient carbonisées, les paraboles tronquées.

     

     

    Lien pour le spectacle

  • Les dames du banc public

    Ici les femmes vont par deux
    se donnent rendez-vous
    et causent à loisir

     

    J’en entends chaque jour 
    que je promène mes remous
    d’après-midi

     

    Celles-ci ne disent pas genre
    n’enchaînent point à coups de du coup
    nient soigneusement avec des ne

     

    Leurs relances de simples et
    surtout celle qui parle fort
    l’autre un rien suiveuse

     

    C’est un chapelet de vedettes
    Delanoë gourmet Sardou cerné Cerdan
    Cabrel Calogero Christophe Christophe Maé

     

    L’une a vu Léo Ferré au marché
    portant santiags diable
    un anarchiste

     

    Et il m’a envoyé une photo
    mais je ne sais pas si c’est lui qui a écrit
    le mot

     

    Il paraît même
    qu’il y eut une fois
    Tina Turner à une brocante

     

    Et j’aimais beaucoup Sheil
    a parce que j’avais comme elle 
    des couettes ah j’étais rousse

     

    À une époque que veux-tu
    j’étais seule avec mon fils
    et Jean Ferrat

     

    Elles égrainent encore les humoristes
    Laurent Gerra et cétéra 
    Drucker et Foucault hélicoptères et bateaux

     

    Chuchotent je tends l’oreille des secrets d’évêques
    sont catégoriques sur le mariage des prêtres
    restent approximatives sur les pasteurs

     

    Elles parlent si fort que je les enregistre
    vole quelques minutes aux dames oisives
    du banc public

  • Ni sachant ni manant

    DÉTACHÉ MAIS PAS INDIFFÉRENT
    telle est l’épitaphe
    sur la tombe de Man Ray
    c’est ce que j’apprends
    par hasard dans une publication
    de France Culture
    sur mon réseau social

     

    Hier j’écoutais Sud Radio
    comme j’habite dans le Sud
    Brigitte Lahaie interrogeait
    un auditeur pour mesurer
    son quotient sexuel
    c’est permis de parler d’elle dans un poème
    Nathalie Quintane l’a bien fait elle
    la question était
    quel est le contraire de l’amour ?
    l’auditeur hésita
    pensant bien que ce n’était pas la haine
    trop facile trop évident
    Brigitte tergiversa sur le dédain
    disant non il y a encore de la haine dans le dédain
    et la haine c’est encore l’amour contrarié
    la bonne réponse était l’indifférence
    j’aurais pu envoyer ce vers d’Apollinaire
    entre l’amour et le dédain
    mais bon

    Lire la suite