Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La fuite - Page 17

  • Peter put up the sunshine !

    Il faut penser chaque jour à la mort pour ne pas la craindre. Plutôt: y penser chaque jour n’est pas crainte de la mort. Mais je n’y pense pas. Pas de cette façon en quatre lettres. Pas cette abstraction qui est un artifice du cerveau humain. La mort ne m’est concevable qu’attachée aux vivants que je connais, de près ou de loin, et aux morts dont j’ai éprouvé la perte: ce qui fait deux expressions poétiquement embarrassantes.

    J’ai lu et chanté le premier poème du recueil, qui commence par un vers latin et fait rimer la gloire du monde et l’abeille, la pompe et le volatile: "Sic transit Gloria Mundi / How doth the busy bee." Cette langue habite un monde qui me plaît tant que je la veux pour seconde langue maternelle.

    On parle aussi de secondes noces, par cet archaïsme du français où subsistent quelques ruines bizarres au milieu de l’ordinaire et d’une camelote qui miroite et se démode. On passe le plus souvent sans regarder, comme l’on circule sur une route accoutumée sans rien remarquer du paysage ni de l’épaisseur du brouillard.

  • Orfeo

    Le chef d’orchestre était étonnamment beau, et sans doute son cerveau harmonique plus admirable encore que l’enveloppe de sa peau, qui donnait aux reliefs de son squelette et de ses chairs la continuité surnaturelle d’un paysage imaginaire. La harpiste commençait à jouer, le buste penché sur le côté gauche de son instrument, ses bras décrivant des trajectoires précises et gracieuses. On ne concertait pas encore. Elle jouait comme pour elle seule, un rideau de cheveux noirs empêchant de savoir si parfois elle levait les yeux vers le chef d’orchestre dont les mains marquaient un mouvement retenu, prélude à l’extravagance de l’opéra qui se tramait derrière ses paupières closes – mais closes d’une façon telle, paupières souriantes comme le sourire de celui qui domine et goûte tout à la fois la recréation de l’œuvre, qu’elles dessinaient la qualité d’un regard plus vibrant qu'il est humainement concevable.

  • C'est la vie

    Dormi de 17 à 22. Écouté vaguement, avant de sombrer, une émission sur Emily Dickinson. "En savoir plus sur Emily Dickinson, c'est en savoir plus sur rien", entend-on dès le début.

    "Tu n'es pas économiquement viable", lui dit-elle en le quittant, dit-il à la radio. Il retrouvait dans un film quantité de points communs avec son couple défait. "Et alors...", disait à peu près l'animatrice.

    Soupe au chou doux, emmental râpé, yaourt. Thé Rose-c'est-la-vie, thé ready-made.

    Oublié mon livre de chevet, chez mon père sans doute, mai‎s je ne lis jamais au lit. On the road... Oublié une clé USB également.

    Pyjama à carreaux. Comme une plaie à l'épaule. Cicatrisation. "Parfois, la seule chose qui nous reste d'une histoire d'amour, c'est le chagrin", dit l'animatrice, qui conseille à l'amant délaissé de ne pas le cultiver. Il dit: "Si j'avais l'opportunité de refaire ma vie avec quelqu'un, je n'hésiterais pas." Que dirait Apollinaire à la radio? "Mais en vérité je l'attends, avec mon cœur, avec mon âme, et, sur le pont des reviens-t'en, je lui dirais je suis content..."

    La pluie crépite sur les fenêtres inclinées de ma chambre. Temps de chanson, temps de ballade.

    Puis la nuit, j'essaie à nouveau d'écouter cette émission sur Emily Dickinson. Dans nos vies linéaires et changeantes imperceptiblement, les écureuils sont le plus souvent imaginaires, mais écureuils ils sont.

    c_est_la_vie.png