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folie minuscule - Page 4

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    C’est tout à la fois illusion fiction fuite vertige impasse et soupape
    L’évitement et le rentre-dedans ne font pas bon ménage je constate
    Ce qu’il en reste c’est qu’il ne reste rien qu’un désert sentimental
    Et encore maladroitement je métaphorise par respect pour l’écho
    Ou seulement par atavisme et adoration des fleurs de cimetière
    L’absurdité de la situation car ce n’est pas que moi moi moi
    A broyé les lumières des philosophes et des philosophesses c’est dire
    Que reste-t-il de nos rendez-vous du vendredi du samedi et du dimanche
    Et du téléphone le téléphone du soir et la distribution des balles
    Qu’en reste-t-il rien à l’horizon de mes cinquante ans tout à l’heure
    Alors je siffle je ris je noie je bouille je rase je verdoie j’en chie
    J’ai flouté tous tes textes mais pas eu le courage des fichiers images
    Flouté quand je dis flouté comprenez il en restera des souvenirs colères
    Pourtant les déclarations d’intention les miennes d’ailleurs je sais pas
    Les siennes les tiennes d’amitié alors soyons amis dans l’illusion
    De la possibilité d’être amis mais taisons-nous faisons une pause haha
    Longue pause d’oubli de recréation de bruits nouveaux de peau neuve
    Et qu’irai-je faire sur tes terres enterrées avec toi l’entêté haha
    En laissant pousser mes cheveux je me suis voilé la face voilà tout
    Je dis ça ou autre chose que je me suis tué le bras gauche à Pâques
    Fait piquer à la fesse en juillet balader en août embrasser en septembre
    Puis écouvillonner détartrer maintenant je ne bois plus de lait
    J’ai laissé le levain pourrir dans son pot et mon corps dans son lit

  • Les dames du banc public

    Ici les femmes vont par deux
    se donnent rendez-vous
    et causent à loisir

     

    J’en entends chaque jour 
    que je promène mes remous
    d’après-midi

     

    Celles-ci ne disent pas genre
    n’enchaînent point à coups de du coup
    nient soigneusement avec des ne

     

    Leurs relances de simples et
    surtout celle qui parle fort
    l’autre un rien suiveuse

     

    C’est un chapelet de vedettes
    Delanoë gourmet Sardou cerné Cerdan
    Cabrel Calogero Christophe Christophe Maé

     

    L’une a vu Léo Ferré au marché
    portant santiags diable
    un anarchiste

     

    Et il m’a envoyé une photo
    mais je ne sais pas si c’est lui qui a écrit
    le mot

     

    Il paraît même
    qu’il y eut une fois
    Tina Turner à une brocante

     

    Et j’aimais beaucoup Sheil
    a parce que j’avais comme elle 
    des couettes ah j’étais rousse

     

    À une époque que veux-tu
    j’étais seule avec mon fils
    et Jean Ferrat

     

    Elles égrainent encore les humoristes
    Laurent Gerra et cétéra 
    Drucker et Foucault hélicoptères et bateaux

     

    Chuchotent je tends l’oreille des secrets d’évêques
    sont catégoriques sur le mariage des prêtres
    restent approximatives sur les pasteurs

     

    Elles parlent si fort que je les enregistre
    vole quelques minutes aux dames oisives
    du banc public

  • Entre les vignes et la rivière

    Entre les vignes et la rivière
    un trio tompette sax guitare
    jouait par hasard au soleil rasant
    cela formait de belles découpes
    à la bordure des jeunes silhouettes
    des boucles de cheveux cramaient
    dans le contre-jour anonyme

     

    Je fis un aller-retour dans la rivière
    Laissant l’eau me laver
    comme une purification routinière
    et les algues volubiles me sonder
    rugueusement

     

    J’étais encore mouillé
    j’avais des notifications
    je mis tout en vrac dans mon sac
    les cheveux en vrac
    et l’âme et l’âme

     

    Le trio se déliait comme le soir 
    je demandai au guitariste
    est-ce possible de
    alors je pris quelques photos
    cherchant en vain l’impression
    des silhouettes moirées

     

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  • Ni sachant ni manant

    DÉTACHÉ MAIS PAS INDIFFÉRENT
    telle est l’épitaphe
    sur la tombe de Man Ray
    c’est ce que j’apprends
    par hasard dans une publication
    de France Culture
    sur mon réseau social

     

    Hier j’écoutais Sud Radio
    comme j’habite dans le Sud
    Brigitte Lahaie interrogeait
    un auditeur pour mesurer
    son quotient sexuel
    c’est permis de parler d’elle dans un poème
    Nathalie Quintane l’a bien fait elle
    la question était
    quel est le contraire de l’amour ?
    l’auditeur hésita
    pensant bien que ce n’était pas la haine
    trop facile trop évident
    Brigitte tergiversa sur le dédain
    disant non il y a encore de la haine dans le dédain
    et la haine c’est encore l’amour contrarié
    la bonne réponse était l’indifférence
    j’aurais pu envoyer ce vers d’Apollinaire
    entre l’amour et le dédain
    mais bon

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  • Servez-vous

    Un grand homme
    dans un bon coin
    ce matin

    un_bon_coin.jpg

    Les livres
    comme des nu-pieds usés
    se donnent

  • Illusions d’optique

    Cherchez un médecin sur votre téléphone
    vous trouvez le docteur Descorps
    le bien nommé
    il s’occupera du bouton qui est apparu tel un minuscule champignon au creux de votre coude
    le ligaturera en vous laissant puérilement fermer les yeux
    vous prévenant de sa brutalité 
    mais finalement vous ne sentirez rien
    sur le coup

     

    Ce soir vous irez vous baigner à la rivière
    mais vous craindrez encore que les chevelures profondes des algues vous gardent prisonnier ou qu’un silure vous frôle

     

    À la surface de l’eau vous observerez une figue trop tôt tombée
    mielleuse figue pas même octobrine
    ni la douceur des lèvres

     

    Demain vous arpenterez encore quelque colline de causse blanc
    ferez une offrande à l’antenne monumentale plantée en son sommet
    admirerez la sobriété de la cathédrale et du pont médiéval
    et si c’est le matin croiserez encore le regard d’une biche inphotographiable
    vous marcherez sur ces marches où les mots jeunesse et reconstruction furent gravés l’an 1965 et l’an 1967
    puis un vieil homme vous invitera dans un sentier forestier inconnu des cartes où il descendra plus habile que vous avec son bâton prudent

     

    Un jour prochain vous chercherez le meilleur angle pour dissimuler la cathédrale dans les arbres moutonnants du boulevard et du lointain
    la cathédrale aux dômes jumeaux
    à la couverture de tuile et d’ardoise fine

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    Vous retournerez sur la colline avec l’amant de vos trente-trois ans
    fixerez quelques sourires devant la carte postale de l’horizon
    et chercherez les mots en regrettant de n’être capable de formuler les plus précieux qu’entre les lignes de ce poème

     

    Vous discuterez aimablement en anglais avec un touriste poids-plume chinois résidant en Allemagne 
    qui repassera par ici

     

    Vous ouvrirez la porte à un coiffeur un peu avant neuf heures puisque vous n’allez plus chez le coiffeur

     

    Vous laisserez votre chat patauger dans la douche
    soignerez les plis hauts des rideaux
    rangerez quelques galets dans une boîte à chaussures
    rempoterez une orchidée
    contemplerez à la télévision les villes tentaculaires des hauts plateaux des Andes

     

    Plus sérieusement vous tenterez de comprendre le pied de la lettre et la persistance rétinienne du luth constellé dans le sonnet tant aimé de Nerval
    et méditerez la sentence d’Oscar Wilde qui dit ceci que l’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs

  • Il faut tenter de vivre

    Votre dossier est facile. Si fait, empruntons et devenons propriétaire. Mais d’abord, répondons au questionnaire médical. Votre hygiène de vie est-elle irréprochable ?

    Pour emprunter Claudel, je présente mon attestation de vaccination : la fréquentation de la médiathèque est à ce prix.

    Pour visiter Paul Valéry en son musée, point d’attestation, mais on rechigne devant mon billet de dix ; je dois insister ; on ne peut le refuser. Le poète manquait d’argent et fumait beaucoup. On le voit parfaitement sur un grand tableau.

    On écoute religieusement les sizains sacrés : colombes, tombes, feux, dieux… C’est une boucle qui hante, aux heures d’ouverture, une petite salle du musée.

    Au cimetière marin, je photographie naïvement, sur la tombe du poète démodé, une pensée, qui dans le poème rime avec la mer recommencée. C’est une pensée fleur, mais une fleur de céramique. Dans la partie Est du cimetière, c’était la mode entre 1870 et 1920, les tombes sont ornées de couronnes de mimosa. Certaines intactes, d’autres brisées, parfois percées d’un trou accueillant une abeille solitaire : redoutable, l’abeille solitaire, affirme un connaisseur. 

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  • Café crème

    "Arrête de me regarder, sale pute de l’enfer", dit un homme sur le boulevard. Derrière une vitrine, une femme range des babioles, un œil sur l’homme qui continue de ruminer. Elle est jeune, noire de peau. — L’enfer, c’est cet homme bien sûr.

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    J’ai trouvé un endroit pour écrire sans avoir l’air de prendre la pose. C’est un café, Le Café Crème. J’y commande invariablement un café crème et un croissant. Tout y est vieillot, défraîchi, sans même les petites joies vintage qui agrémentent le goût du jour. (En anglais, par les haut-parleurs du boulevard : "La Ville de Cahors vous rappelle que le port du masque est obligatoire sur le marché du mercredi et du samedi.") Même l’aimable patron est à la retraite, comme je l’ai appris un jour que des vieux clients le chambraient. La plupart du temps, je suis seul sur la terrasse ombragée, sous les austères fenêtres IIIème République de mon lycée qui porte le nom de Clément Marot. Comment regardes-tu ? — Au ras du sol, des peaux, des voix, du soleil perçant dans une feuille d’ortie. — En somme, tu blasonnes. — Ce serait le regard de mon chat convoitant les lacets de ma chaussure, ou celui d’un moustique louchant sur sa trompe. Mais la différence avec Marot, c’est que je pense aux photons, à la photosynthèse, aux orties géantes d’Asie qui vous tuent. Que le chaos des origines dans les rêveries ovidiennes et l’ordre de la création dans le dogme chrétien sont pour moi entropie et néguentropie : des mots difficiles à verser dans un poème — mais des convictions apaisantes. L’ancienne Fureur poëtique n’est que retrait des affaires du temps, gratuité du stylo et, disons, scriptosynthèse.

    — Le babil des hommes est une prairie sans rosée.